On croirait entendre le froufrou des robes et les rires des femmes: le musée d'Orsay à Paris présente mardi une exposition sur l'impressionnisme et la mode, où tourbillonnent chefs-d'oeuvre de maîtres et tenues de l'époque, à la taille marquée et à la tournure volumineuse.

Plus de 70 peintures d'Edouard Manet, Claude Monet, Pierre-Auguste Renoir, Edgar Degas, Gustave Caillebotte et Frédéric Bazille notamment se déploient sur 1300 m2, accompagnées d'une quarantaine de tenues de la période 1860-1885.

L'exposition, qui se tient jusqu'au 20 janvier, est organisée par le musée d'Orsay, le Metropolitan Museum of Art de New York et The Art Institute of Chicago.

Le metteur en scène d'opéra Robert Carsen a multiplié les effets. Il fait ainsi défiler les uns derrière les autres, comme des mannequins, plusieurs chefs-d'oeuvre impressionnistes, devant un public de chaises rouge et or.

«Les impressionnistes, passionnés de modernité, s'intéressent à la mode, phénomène alors en plein essor avec le développement des revues spécialisées et des grands magasins», souligne Gloria Groom, une commissaire de l'exposition.

«En étudiant leurs grands portraits de femmes, je me suis rendue compte qu'ils peignaient des robes contemporaines que l'on pouvait retrouver dans les planches de dessins de mode», explique Mme Groom, conservatrice à l'Art Institute de Chicago.

D'où l'idée d'aller dénicher dans les réserves du musée Galliera des tenues approchantes. Nettoyées, restaurées, rafraîchies, elles revivent sur des formes qui reconstituent la silhouette de celles qui ont porté ces toilettes.

Les impressionnistes font poser des femmes de leur entourage, leurs compagnes, leurs maîtresses. Mais la véritable héroïne du tableau c'est la robe, sa façon d'accrocher la lumière, ses reflets changeants. Les impressionnistes excellent à saisir la transparence des tissus, leur chatoiement fugitif.

Dans La femme au perroquet (1866) de Manet, le déshabillé rose pâle de Victorine Meurent, modèle du peintre, a suscité beaucoup de commentaires lors de sa présentation au salon de 1868. Un rose faux et louche, pour Théophile Gautier, une tenue «souple» pour Emile Zola.

Une silhouette en S

Manet connaît bien la mode. Sa Parisienne porte une robe noire à queue, ajustée à la taille et un chapeau altier. Elle ramène sa traîne soyeuse avec assurance, laissant voir sa bottine.

Les impressionnistes s'intéressent «à la femme en mouvement», souligne Mme Groom. Dans les années 1870, les crinolines s'abaissent sur le devant tandis que l'arrière se gonfle de poufs ou de coussins. C'est le triomphe de la silhouette en S, à apprécier de profil. Le corset est toujours là, donnant des tailles de guêpe aux élégantes.

Dans la toile Dans la serre, le peintre Albert Bartholomé peint son épouse en tenue d'été de coton blanc imprimé de pois et rayures violettes. La robe de Mme Bartholomé, exposée juste à côté de la toile, affiche un tour de taille de 32 centimètres...

Le noir est déjà à la mode. Dans le grand tableau Madame Charpentier et ses enfants de Renoir, l'épouse du célèbre éditeur porte une très longue robe noire déployée avec élégance.

Avec sa Nana, Manet explore les dessous. Le corset de satin bleu ciel de l'actrice qui a servi de modèle, son jupon fin, ses talons hauts, exhibés sous le regard d'un homme en habit, sont de nature à heurter la morale publique: le tableau est refusé au salon de 1877.

Les tenues blanches fleurissent sur les tableaux de plein air. Pour Femmes au jardin (vers 1866) de Claude Monet, la compagne du peintre, Camille, revêt quatre robes différentes pour incarner quatre femmes dans des poses diverses.