Style de peinture qui a pris son essor dans les années 60, le photoréalisme consiste à reproduire le plus fidèlement possible sur une toile la «réalité» perçue par un appareil photographique. La galerie de Bellefeuille a travaillé plus d'un an pour rassembler les oeuvres de 60 peintres photoréalistes parmi les meilleurs du monde.

Pour Louis K. Meisel, galeriste et marchand d'art new-yorkais fondateur du mouvement photoréaliste, les oeuvres photoréalistes «transcendent tout ce qui a été peint, en y ajoutant une sensibilité et un sentiment auxquels ne pourrait jamais prétendre la photo».

Il est vrai qu'on sort troublé de cette exposition, Au-delà du réel, réalisée grâce au désir tenace de Jacques Bellefeuille et à la passion du commissaire François Arès. En découvrant les oeuvres, on réalise que ce qui pourrait être considéré comme une copie obsessionnelle de la réalité est en fait l'expression d'un réel talent.

Même si les photoréalistes transfèrent sur la toile l'information photographique au moyen de procédés mécaniques et semi-mécaniques comme la projection ou la grille, chaque artiste a en fait son propre touché, équivalent à la liberté qu'il prend par rapport à la réalité.

Certains vont même aller plus loin que la réalité grâce à l'utilisation de caméras de 36 mégapixels, qui révèlent des détails qu'on ne pourrait percevoir avec l'oeil, d'où l'expression d'hyperréalisme. C'est le cas de l'Italien Roberto Bernardi, un des jeunes maîtres du photoréalisme, avec ses bonbons (l'oeuvre Tramonto) plus vrais que nature.

Les reflets du bocal et les détails des emballages de plastique sont exécutés avec un rendu si parfait qu'on se rend compte que c'est de la peinture seulement quand on regarde de près. Et encore...

»Maîtres techniciens»

Sa conjointe, Raphaella Spence, est également photoréaliste. Sa toile d'une vue de Venise, Il Canale di San Marco, est magnifique de précision. Tout comme celle du Britannique Tom Martin, Contemplation, avec un très beau nu de femme coincée entre une barre Crunch et une d'Aero. Comme le Panettone de Luigi Benedicenti ou comme le Bayard Street du Français Bertrand Meniel, une scène de rue nocturne avec un grand souci du détail: mégots de cigarettes minuscules au sol, reflets dans les carrosseries des autos.

«Ce sont des maîtres techniciens de la peinture, dit François Arès. Un tableau comme celui-ci peut prendre trois mois de travail.»

Pour d'autres oeuvres, les artistes laissent plus d'ambigüité sur la toile. On s'éloigne de l'image parfaite, on glisse vers l'interprétation. C'est le cas par exemple du Néerlandais Tjalf Sparnaay, spécialisé dans la représentation d'aliments. Son oeuf au plat est magnifique, très réaliste, alors que son cheeseburger l'est beaucoup moins.

Des photoréalistes d'aujourd'hui peignent aussi avec un style d'hier, comme les frères Mark et Drew Goings, qui réalisent des peintures à partir de photos anciennes. À l'inverse, il y a une touche d'art actuel chez d'autres photoréalistes comme dans The White Dress # 4 du Torontois Shaun Downey où le portrait d'une jeune fille est situé dans un décor géométrique contemporain.

Dans cette exposition organisée conjointement avec quatre galeries new-yorkaises et la Plus One Gallery de Londres, quelques Québécois sont présents, notamment Jason de Graaf, Florence April, Paul Béliveau et Andrew Pink, qui a réalisé une splendide descente d'escaliers mécaniques.

Enfin, deux merveilles à découvrir, les sculptures de Randall Rosenthal réalisées dans des blocs de pin blanc. Son «carton» rempli de billets de banque et son cahier à anneaux de collectionneur de cartes de baseball sont tout simplement exceptionnels de réalisme. À l'image de cette exposition.

Au-delà du réel, galerie de Bellefeuille, jusqu'au 2 octobre.