Lorsque Alexandre Taillefer, le nouveau président du conseil d'administration du Musée d'art contemporain (MAC), a annoncé en juin la mise au rancart du projet de reconstruction de 88 millions de dollars du musée, il a semé tout un émoi dans le milieu des arts. Certains ont cru que c'en était fait d'un musée qui, bien qu'il soit le seul consacré à l'art contemporain au Canada, peine à attirer des foules et à soulever l'enthousiasme.

Mais Alexandre Taillefer n'avait pas dit son dernier mot. Depuis, le président âgé de 40 ans, nommé par l'ex-ministre de la Culture Christine St-Pierre, travaille à un projet plus modeste d'agrandissement qu'il espère faire valider dans les prochains mois. Budget prévu: entre 25 et 30 millions.

Une vaste consultation

«J'étais contre la reconstruction de 88 millions parce que je n'aime pas les projets pour aller sur la Lune», a-t-il confié à La Presse, lors d'une rencontre dans les bureaux du Fonds XPND, un fonds d'investissement dans les entreprises de nouvelles technologies qu'il a lancé il y a deux ans. «Avec 25, 30 millions, on peut très bien régler le problème de l'agrandissement, doubler la surface d'exposition et faire une entrée attirante et accueillante. On veut que ce musée soit efficace, que les gens aient du fun à y aller et, surtout, qu'ils aient le goût d'y revenir.»

Dès sa nomination, l'entrepreneur et mécène, qui possède une importante collection d'art contemporain, a entrepris une vaste consultation auprès des gens du milieu des arts. Il s'est aussi beaucoup promené dans les salles et les couloirs du musée et a constaté que l'institution, qui fêtera bientôt ses 50 ans, accuse son âge.

«Le MAC est mal conçu sur le plan du design et de l'architecture, dit-il. C'est sombre, étouffant, l'entrée est ridicule, la colonnade au milieu a mal vieilli, il n'y a pas assez d'espace d'exposition. Il faut changer tout ça pour créer un coeur rassembleur et faire en sorte que le MAC devienne un lieu de grande fréquentation, qu'il soit aussi hip et le fun que le MOMA à New York.»

Les défis

Ambitieux projet s'il en est un, mais Alexandre Taillefer n'a pas peur des défis ni des causes désespérées. Président pendant sept ans du conseil d'administration de l'Opéra de Montréal, c'est sous sa houlette que l'opéra a retrouvé la santé financière et un fonds de dotation qui lui permet d'envisager l'avenir avec une certaine sérénité. Le sauvetage de l'opéra est d'ailleurs à l'origine de la nomination d'Alexandre Taillefer au MAC. Mais l'homme est bien conscient qu'il y a un monde entre l'opéra et l'art contemporain.

«Le MAC a sensiblement le même budget que l'Opéra de Montréal, mais disons qu'au plan de la game politique et des enjeux émotifs, c'est beaucoup plus complexe et délicat», affirme-t-il.

Quand Alexandre Taillefer rêve au nouveau MAC, il voit un musée bondé, animé et bruyant. «Je veux qu'on présente au moins une expo grand public par année. Je pense que le musée peut s'ouvrir en étant moins hermétique. L'expo Zoo est un bel exemple. C'était un bon show, mais on aurait pu aller plus loin avec une meilleure commercialisation et des à-côtés inédits, comme offrir du popcorn et de la barbe à papa, comme ça se fait au zoo. C'est nécessaire d'avoir deux niveaux de langage quand on présente une expo comme celle-là, et encore plus important de créer une visibilité et un affichage qui vont attirer les gens.»

En attendant le nouveau musée, Alexandre Taillefer se prépare pour le grand bal du musée - un des bals les plus allumés en ville - qui aura lieu samedi sur le thème de l'interdit. Il y a deux ans, c'est à titre de président d'honneur du bal annuel qu'il est entré au musée. D'un bal à l'autre, autant dire que son mandat s'est considérablement élargi.

À lire samedi, dans le cahier des Arts, un grand portrait d'Alexandre Taillefer.