De l'enveloppe de 28 millions accordée par le gouvernement Harper pour célébrer le 200e anniversaire de la guerre de 1812 sont sortis une application pour téléphone portable, un monument, des reconstitutions de batailles, des sites historiques rénovés et un dollar en argent. La pièce, vendue 60$ par la Monnaie royale du Canada, montre un sergent britannique, un Voltigeur canadien et un guerrier iroquois unis contre l'envahisseur américain.

À ces réalisations de nature patriotique, il faut ajouter une manifestation d'un autre ordre: l'exposition 1812 - Une guerre. Quatre perspectives, qui s'est ouverte le 13 juin au Musée de la guerre, à Ottawa.

Comme son titre l'indique, cette exposition nouveau genre s'est donné comme mission d'expliquer la guerre de 1812 - que les nationalistes canadiens considèrent comme un événement fondateur - dans la perspective de chacun des quatre groupes qui y ont été impliqués: les Américains, les Britanniques, les Canadiens et les Autochtones américains.

La Presse a visité cette exposition, montée sous la direction de l'historien D. Peter Macleod, auteur notamment de La vérité sur la bataille des plaines d'Abraham. Outre l'approche nouvelle des différentes perspectives, nous l'avons trouvée aussi riche en artéfacts que vaste en information historique. Dans la partie centrale sont exposés les grandes lignes et les faits saillants du conflit, tandis que le visiteur est invité à entrer tour à tour dans chacune des quatre zones où sont exposés armes, documents, costumes, uniformes et autres objets (130 en tout) se rapportant à l'un ou l'autre des quatre groupes dont on isole, grandeur nature, un personnage central (voir www.museedelaguerre.ca/1812). Les textes, bilingues, sont clairs, concis et conçus pour un public vaste, sans tomber dans l'infantilisme.

Un conflit naval

Pour mettre fin aux agressions constantes de la Royal Navy, les États-Unis déclarent la guerre à la Grande-Bretagne le 18 juin 1812. Pendant des années, la RN avait arraisonné des bâtiments de la US Navy naissante, à la recherche de marins britanniques naturalisés - les Anglais ne reconnaissaient pas la nationalité américaine. Autre motif plus sérieux encore pour les Américains: les actions de la Royal Navy pour empêcher le commerce américain avec la France de Napoléon, avec qui l'Angleterre est en guerre, comme le reste de l'Europe.

Les Américains, toutefois, n'ont pas la puissance navale pour traverser l'Atlantique et monter à l'assaut des côtes anglaises; ils attaquent donc l'Empire dans ses possessions de l'Amérique du Nord britannique, les Canadas, juste à côté. À proprement parler, la guerre de 1812 n'a jamais opposé le Canada et les États-Unis, des voisins qui avaient peu de griefs l'un contre l'autre. Les Canadiens, toutefois - ceux du Haut-Canada surtout (l'Ontario d'aujourd'hui) -, se sont tout naturellement joints aux Britanniques pour défendre leurs frontières.

Le major général Sir Isaac Brock, premier héros du Haut-Canada, est mort dans la bataille de Queenston Heights en octobre 1812. La tunique écarlate du colosse est exposée dans la zone canadienne de l'exposition, avec le trou de la balle qui l'a tué. Juste en bas du collet...

Les Américains, bien sûr, avaient un plan pour la ville fortifiée de Québec, centre névralgique de l'Amérique britannique, et pour Halifax, grand port d'où appareillaient les escadres de la Royal Navy pour les Grands Lacs ou la côte Est. «L'acquisition du Canada cette année, jusqu'aux environs de Québec, sera une formalité, une simple promenade», déclarera Thomas Jefferson, qui venait de céder la présidence des États-Unis à James Madison (1809). La «promenade» américaine s'est arrêtée à Châteauguay, à 50 km au sud-est de Montréal, où attendaient les Voltigeurs de Charles-Michel de Salaberry.

Dans ce qui reste, physiquement, de cette guerre - outre le centre d'interprétation de Parcs Canada à Châteauguay (www.pc.qc.ca) -, il faut compter le canal Rideau, que les Britanniques avaient construit pour relier Montréal aux Grands Lacs. «Le Canal Rideau a été construit à des fins militaires, mais n'a jamais servi en ce sens», nous dira Dominique Savard, planificatrice principale - Interprétation au Musée de la civilisation, dont fait partie le Musée de la guerre.

Les Britanniques, qui ne voyaient dans ce conflit qu'un «détail ennuyeux» dont ils n'ont aucun souvenir, et les Canadiens ont stoppé l'invasion; les Américains, eux, ont remporté une deuxième guerre d'indépendance et se sont ralliés à une idée de la nation.

1812 - Une Guerre. Quatre perspectives répond à maintes questions, mais une de ses qualités est d'en susciter tout autant sur la politique du passé... et du présent.

1812 - Une guerre. Quatre perspectives. Musée canadien de la guerre (Ottawa), jusqu'au 6 janvier 2013.

Cinq visages de 1812

Tecumseh


«Une chance s'offre à nous, oui, et qui ne se représentera plus, de former, nous les Indiens d'Amérique du Nord, une grande alliance et de lier notre sort à celui des Britanniques dans cette guerre.» Le chef shawnee Tecumseh, de l'avis même des Américains, était un grand leader militaire. Mais la coalition, dépendante des armes européennes, ne put survivre à la guerre de 1812 où Tecumseh fut tué dans la bataille de la Thames.

Francis Scott Key

Ému à la vue de la bannière étoilée flottant toujours au vent après que ses compatriotes eurent repoussé l'attaque britannique contre Baltimore, l'avocat écrivit le poème Defence of Fort McHenry. Mis en musique en 1814, le poème épique devint vite un chant patriotique et, en 1931, fut adopté comme hymne national des États-Unis sous le titre The Star-Spangled Banner, du nom du drapeau américain.

Laura Secord

Dans le village de Queenston qui venait de tomber aux mains des Américains, Laura Secord entendit des officiers parler d'une attaque prochaine sur un avant-poste britannique. Déjouant les sentinelles, elle franchit nuitamment, à pied, les 32 kilomètres jusqu'à ladite position pour avertir le commandant britannique de l'attaque imminente. L'héroïne canadienne doit une partie de sa popularité au fait qu'un fabricant de chocolat de Toronto (acheté en 2010 par la firme québécoise Nutriart) en prit le nom en 1913.

Louis-Joseph Papineau

Le futur orateur de la Chambre et leader du Parti patriote a servi comme officier du 5e Bataillon de milice du Bas-Canada mais, sauf erreur, il n'a pas participé aux combats. Forcé à l'exil après la rébellion de 1837, Papineau (1786-1871) vivra aux États-Unis puis en France. Après l'imposition de l'Acte d'union (des deux Canada) en 1840, il proposera l'annexion du Bas-Canada (le Québec actuel) aux États-Unis, une solution qu'il jugeait préférable au statut de son pays dans l'empire britannique.

Sir George Prevost

Fils d'un Suisse francophone qui avait servi dans l'armée britannique, Prevost tenta de s'allier les francophones du Bas-Canada, Papineau notamment, à son arrivée comme gouverneur en chef de l'Amérique du Nord britannique (1811) où il succédait à Craig, figure honnie par les Canadiens français. Son attaque contre les Américains à Plattsburgh et sur le lac Champlain (1814) est un échec qui lui vaut l'opprobre de ses généraux qui obtiendront son départ de Québec.