Les animaux sont en liberté tout l'été au Musée d'art contemporain. L'exposition Zoo présente le travail d'une vingtaine d'artistes originaires d'une douzaine de pays. Au total: 50 oeuvres allant du ludique au très sérieux.

De mémoire d'homme, ou de bête, le MAC n'avait pas, depuis un bon moment, proposé une exposition grand public ratissant aussi large avec une telle présence d'artistes de premier plan, aussi bien canadiens qu'internationaux. Ceux-ci se positionnent tous sur l'étrange rapport que l'humain entretient avec l'animal.

«Les artistes se posent les mêmes questions que nous en regard du monde dans lequel nous vivons, explique la conservatrice en chef du musée, Marie Fraser. Lorsqu'on parle de l'animal, l'on doit reconnaître que nous parlons de nous-mêmes.»

Bien étrange animal que l'homme qui est un loup pour l'homme... et un ogre pour les animaux, pourrait-on ajouter. Nombre de créations font état d'un malaise, d'une distance, voire d'une incompréhension, mais la plupart le font sans lourdeur.

En première canadienne, le MAC a notamment mis la main sur une présentation itinérante d'Ai Weiwei. Il s'agit des 12 bronzes représentant les signes astrologiques chinois tels qu'imaginés par le célèbre dissident chinois et l'un des artistes les plus en vue dans le monde. Ses têtes d'animaux imaginaires ou réels s'avèrent plutôt amusantes.

L'autre point d'orgue de Zoo est sans contredit Le spectre et la main de l'artiste québécois David Altmejd, une oeuvre monumentale et «magistrale», selon la directrice du MAC, Paulette Gagnon.

Nous ne sommes plus dans le cabinet de curiosités, ni dans les entrailles de géants mystérieux des oeuvres précédentes de notre réputé sculpteur. Cette oeuvre impressionne par sa finesse et ses lignes claires. À l'opposé de la démarche cynique d'un Damien Hirst, par exemple, et comme les trois zèbres aux extensions multicolores représentés ici, Altmejd, comme artiste, semble prêt à s'envoler vers de nouveaux horizons.

Pour Zoo, Jana Sterbak et Trevor Gould ont aussi créé des oeuvres fortes. La première, auteure de la désormais célèbre Robe de viande, nous propose cette fois sa Chair Apollinaire, 1996, un fauteuil fait de... viande!

Dans un esprit tout aussi ironique, mais un peu plus ludique, Trevor Gould reprend, lui, l'image du singe pour remettre en question la raison d'être de l'homme et de Dieu, à la présence si froide et métallique. À voir absolument: son God's Window dans le jardin extérieur du MAC.

Artistes vedettes

Mais, soulignons-le, face aux esprits chagrins qui reprochent souvent au MAC son manque de lustre, cette exposition met de l'avant le nec plus ultra de la production «animalière» actuelle, produite par un éventail de créateurs qui comptent dans le milieu de de l'art contemporain. Impressionnante, la liste comprend notamment les Mark Dion, Jason Dodge, Rachel Harrison et Haim Steinbach. De plus, mis à part de rares exceptions, toutes les oeuvres ont été créées durant les années 2000.

C'est le cas de l'aquarium du Français Pierre Huyghe, Zoodram, qui contient de vrais crabes, dont un bernard-l'ermite et quelques autres qui en viennent aux coups. Le tout sous le regard impassible, insensible d'un masque traditionnel aux traits humains.

La réflexion des artistes touche à des thèmes comme l'anthropomorphisme et la mort, en passant par les considérations écologistes. En passant par la bestialité suggérée par la grande Kiki Smith et son bronze Tied to Her Nature. Rien pour faire peur aux enfants, rassurez-vous, mais n'en parlons tout de même pas au ministre du Patrimoine, James Moore.

Les plus jeunes s'amuseront d'ailleurs beaucoup en côtoyant les insectes géants de l'Anglais David Shrigley. Les plus grands préféreront sans doute l'exquise vidéo de la Suédoise Nathalie Djurberg, My Body is a Glass House, proposant un récit à mi-chemin entre les imaginaires de la Québécoise Karine Giboulo et du cinéaste américain Tim Burton. Mais tous feront et referont le tour ensemble de l'arbre majestueux d'Ugo Rondinone au centre de l'expo.

Les Canadiens

Les artistes canadiens ne sont pas en reste dans ce parcours muséal animal. L'incontournable Brian Jungen est présent avec ses peaux d'animaux montées sur des carrosseries d'automobiles ou de congélateurs. Message clair, percutant, comme d'habitude.

Shary Boyle fait davantage dans la dentelle avec ses porcelaines déjantées. L'animal fait femme, homme ou enfant. L'imagination sans borne et irrévérencieuse de l'Ontarienne fait penser au travail de Valérie Blass, dans l'esprit, ou encore de Brendan Tang, dans la facture, un autre Canadien jouant aussi bien de ce matériau délicat.

Et il ne faudrait surtout pas passer outre la vidéo touchante de Kevin Schmidt, Sad Wolf, à propos, justement, d'un pauvre loup en cage.

Le mot de la fin revient, cependant, à une autre oeuvre cruciale de Zoo: l'inquiétante cage de barbelés intituléeImpénétrable, de la Libanaise Mona Hatoum, qui semble littéralement flotter en l'air.

On peut en faire le tour, mais certains jours, il est vrai, on imaginerait sans peine y enfermer quelques bêtes humaines!

Zoo est présentée au Musée d'art contemporain de Montréal jusqu'au 3 septembre.

Photo André Pichette, La Presse

Après avoir causé la controverse avec une robe de viande, Jana Sterbak propose... un fauteuil de viande !