«Today, I celebrate!» «Enfin, je célèbre!», a dit hier matin Claire Wesselmann, invitée à la présentation de la rétrospective de son défunt mari (1931-2004) au Musée des beaux-arts de Montréal. Il s'agit de la première grande exposition en Amérique du Nord consacrée à cet artiste «pop», seul de sa génération à n'avoir pas été choyé par les musées américains, contrairement aux autres Warhol, Liechtenstein, Oldenburg, Dine...

Wesselmann, au-delà du pop, qui rassemble 180 pièces - des petits collages jusqu'à des installations aussi immenses que des panneaux-réclame -, est une exposition entièrement centrée sur l'oeuvre de cet artiste «célèbre méconnu», pour reprendre l'expression de Stéphane Aquin, conservateur de l'art contemporain au MBAM. Elle vise à démontrer le sérieux et la complexité du travail de cet artiste dont les sujets de prédilection peuvent paraître superficiels et «usés» au premier regard: nus, natures mortes, paysages... Sujets qu'il choisit pour faire une relecture de l'histoire de l'art. Liechtenstein aura une démarche similaire.

Il y a donc, pour chaque thème développé dans les salles, des oeuvres connues - certaines même devenues des icônes - et, pour les accompagner, des dessins, des esquisses, des maquettes préparatoires presque toujours très soignés. On a même aménagé un cabinet où sont rassemblées des pièces destinées à montrer la démarche de l'artiste. C'est là que se trouvent des albums de disques country, musique préférée de Wesselmann, qui a lui-même composé 400 chansons. C'est lui qu'on entend chanter. C'est très curieux, cette musique populaire alliée à une oeuvre en fait très savante.

Il n'y a pas ici de mise en scène spectaculaire, comme ce fut le cas pour l'exposition de Warhol, il y a quelques années, ou d'autres expositions thématiques du musée. Il faut dire que, dans bien des cas, ces pièces sont elles-mêmes des mises en scène. On pense ici à la Volks grandeur nature sortie d'une enseigne et placée devant un paysage à la fois abstrait et figuratif (Landscape No. 5); à cette accumulation d'objets géants sur une table - bâton de rouge, collier, parfum et autres articles de toilette féminins placés les uns derrière les autres à la manière d'une nature morte classique (Still Life No. 60); à ce tableau triangulaire dont le corps été découpé pour ne conserver que le bout d'un sein pointant vers la mer (Seascape No. 24); à tous ces montages qui intègrent là un appareil de télé allumé, ailleurs un ventilateur en marche ou encore une porte de réfrigérateur, une moitié de lavabo, des appareils radio, etc.

Quant aux nus, ces Great American Nudes construits comme des collages, ils présentent des femmes sans visage dans des postures évoquant des tableaux classiques et sont pleins de clins d'oeil aux artistes d'un autre temps, surtout Matisse et Mondrian, mais aussi Renoir et Picasso, entre autres.

Dans les années 80, Wesselmann a mis au point une technique qui lui a permis de réaliser des dessins en acier. Le résultat est spectaculaire! On croirait voir des esquisses dessinées directement sur les murs. D'autres dessins se transforment en sculptures complexes. Peut-être parce qu'elles reproduisent des dessins, ces oeuvres ont une spontanéité que l'on ne retrouve pas ailleurs.

À la fin de sa vie, Wesselmann s'est réconcilié avec l'abstraction, qui, selon lui, avait tout dit depuis de Kooning. On se retrouve alors, dans la dernière salle, devant de grandes abstractions où l'on reconnaît soudain des silhouettes de danseuses à la Matisse, ou devant des oeuvres figuratives parfaitement abstraites.

Qu'il s'agisse des nus, des natures mortes ou des paysages, ils sont ici réinterprétés avec humour et, construits comme des abstractions. Ils portent la marque Wesselmann. Mission accomplie. Pour le MBAM et pour Wesselmann.

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Tom Wesselmann: au-delà du pop art, jusqu'au 7 octobre au Musée des beaux-arts de Montréal.