Une pluie de couleurs sur le Grand Palais, à Paris. Avec Excentrique(s), cinquième édition de Monumenta qui débute jeudi, l'artiste Daniel Buren a choisi de jouer avec la lumière naturelle de la Nef du Grand Palais, qui traverse une forêt de disques colorés transparents de hauteurs et de diamètres différents, soutenus par de fins piliers noirs et blancs, signature du peintre-sculpteur.

Cette canopée de jaune, de bleu, de vert et d'orange, dont l'intensité varie selon les caprices du ciel parisien, s'ouvre au centre de l'immense nef sur une «clairière» figurée par des miroirs, toujours ronds, posés sur le sol, dans lesquels se reflète la verrière centrale, elle-même réinterprétée par Daniel Buren avec des vitraux bleus. Des miroirs sur lesquels le public est invité à marcher, s'asseoir ou s'allonger pour une expérience vertigineuse, bercée par la lecture d'un texte reprenant en 37 langues les chiffres principaux de la construction, les premières lettres des quatre couleurs avec le noir et le blanc en plus et les noms des couleurs.

Face à cette nef de 13 500 m2 et de 200 m de long, qui culmine à 45 m de hauteur, Daniel Buren a opté pour une oeuvre «à taille humaine» en installant «le plafond assez bas (...) le plus bas possible», autour de 2,5 m, à l'opposé de son prédécesseur Anish Kapoor et son Leviathan, un monstre gigantesque rouge organique, dans lequel pénétrait le visiteur.

Le coeur de sa réflexion a été «l'utilisation de la lumière donnée ici de façon splendide» grâce à la verrière, qui offre un point de vue extraordinaire par rapport au ciel, souligne le créateur des controversées Colonnes du Palais Royal. «Où que vous soyez, vous voyez le ciel, aucun immeuble, avec un ciel de Paris très changeant.»

«En une heure, il y a cinq à six façons de voir la couleur selon la journée», note Daniel Buren. «C'est un jeu sur les couleurs, les transparences» qui «laisse la liberté à celui qui le regarde». L'intensité lumineuse provoque en effet des reflets de couleurs au sol plus ou moins intenses, un véritable damier acidulé, mais, en levant les yeux, c'est le ciel qui prend plusieurs teintes.

La nuit, un éclairage électrique particulier prend le relais.

Quant au choix du cercle, c'était «presque une obligation: tout est rond ici!», plaisante Daniel Buren, persuadé qu'un compas a été employé pour concevoir le Grand Palais. Il s'est lui-même inspiré de dessins arabes redécouverts au XIXe siècle, utilisés pour construire l'Alhambra de Grenade. «Ce dessin est une formule extraordinaire, qui permet de couvrir le plus de surface possible avec cinq diamètres différents, qui laissent un seul espace vide, toujours le même.»

Enfin, Daniel Buren a bouleversé l'organisation du Palais, en installant la billetterie à l'extérieur, indiquée par ses célèbres bandes noires et blanches, «une partie de l'exposition est dehors à l'entrée du métro», avec une entrée par le nord du bâtiment et non pas la principale qui n'offrait pas, selon lui, la meilleure perspective sur «le volume extraordinaire de ce lieu».

Âgé de 74 ans, Daniel Buren rappelle avoir expérimenté «tous les éléments présents ici», appliquant son principe de «travail in situ». «Concevoir en mettant l'accent sur le lieu est aussi important que l'oeuvre. Je montre que ce que je fais n'est pas une oeuvre, mais dépend du lieu dans lequel elle va se trouver.»