À l'occasion de son 10e anniversaire, la galerie SAS confie le commissariat d'expositions à des artistes invités. L'initiative est inaugurée par Laurent Craste, un céramiste artistique, qui réunit avec Possession les oeuvres de Yannick Pouliot, Jannick Deslauriers, Anne Ramsden et les siennes en guise d'hommage à l'art décoratif.

Formé en arts visuels et médiatiques à l'UQAM, Laurent Craste est fasciné depuis toujours par les objets domestiques et décoratifs. Cet intérêt provient, dit-il, de sa tendre enfance quand sa famille a dû quitter précipitamment l'Algérie, en 1962. Lors de l'indépendance de ce pays, chaque famille française devait partir avec le strict nécessaire.

«On a dû laisser un piano Pleyel et bien des choses, confie-t-il. Mes parents n'avaient rapporté qu'un peu de vaisselle, dont la théière en porcelaine de ma grand-mère.»

La liberté que lui a donnée le directeur de la galerie SAS, Frédéric Loury, s'est donc traduite par Possession, une réflexion autour de la pratique des métiers d'arts et de la collection d'objets.

«Je voulais tourner autour des arts décoratifs et en développer l'aspect sentimental, explique-t-il. J'étais allé voir les oeuvres de Yannick Pouliot au Musée d'art contemporain. J'adore ce qu'il fait. J'avais vu Jannick Deslauriers chez Circa et je connais le travail d'Anne Ramsden. L'idée a été de les associer, car on sonde tous l'âme des objets.»

Cette âme, Anne Ramsden l'explore à travers la céramique et la photographie. Elle expose des photos de morceaux d'assiettes brisées, proposant l'objet d'origine recomposé devant sa décomposition.

Le temps qui passe

Vieilles assiettes en porcelaine de Limoges, souvenirs de l'enfance, tout évoque le passé, la cassure du temps, la mémoire et celle des objets ou... de leurs fantômes. «On parle de la mort, d'évanescence des êtres et des gens qui ont utilisé ces objets», dit Laurent Craste.

On retrouve aussi dans cette exposition le mobilier surréaliste de Yannick Pouliot, avec Les ensembliers, une sculpture de six chaises d'époque.

L'impression fantomatique est à son comble avec les oeuvres de Jannick Deslauriers. Utilisant crinoline, dentelle et fils, l'artiste fait «vivre» ou «revivre», en suspension dans l'air, une machine à écrire, un piano, une machine à coudre et un fer à repasser. Témoins d'une époque qui s'efface.

On ressent la même chose avec les céramiques expressives de Laurent Craste. Ses créations ont des allures de personnages: un des vases, Le cri, semble appeler au secours. Celui intitulé Le baiser présente une morsure dans ses flancs.

Laurent Craste expose Mon trésor, une série de trois grandes photos où un homme étreint un vase dans ses bras.

«Cela exprime l'amour excessif, comme pour le vase Le baiser où je n'embrasse pas le vase, mais le mords», dit Laurent Craste.

L'artiste a aussi réalisé une installation vidéo dans une petite armoire contenant de la vaisselle en céramique. Sur l'une des assiettes, une projection compose puis décompose petit à petit la décoration florale, chaque feuille et chaque pétale reprenant une autre forme jusqu'à disparaître avant de renaître. Comme un fantôme d'objet.

Possession, jusqu'au 21 avril, à la Galerie SAS, Édifice Belgo, #416 (372, rue Sainte-Catherine Ouest)