Yves Archambault, l'affichiste du Festival international de jazz de Montréal, conjugue depuis toujours l'ancien et le moderne, comme en témoigne la rétrospective Les yeux qui dansent.

Il explorait déjà, au milieu des années 70, les liens entre l'art et la cybernétique, au contact notamment d'Abraham Moles, l'un des premiers auteurs à se pencher sur la nouvelle esthétique de l'image dite de synthèse (Art et ordinateur, 1971). Yves Archambault étudiait l'art algorithmique pendant que ses collègues mélangeaient leur gouache et que les cybercancres se perdaient dans leurs programmes de cartes perforées...

Très jeune, ce fils de bonne famille de Pont-Viau s'était intéressé au travail de son père, dessinateur industriel à Hydro-Québec. Que fait Yves? Il dessine. Plus tard, le grand autodidacte solitaire s'inscrira au cégep Ahuntsic, en art bien sûr, et y fera la rencontre d'Yves P. Pelletier, futur Rock et Belles oreilles, quatuor de comiques dont il réalisera la première pochette d'album: le jaune avec les quatre têtes (à claques) qui dépassent.

Un jour de 1988, le téléphone a sonné; c'était Jacques K. Primeau, le super-gérant de RBO: «Yves, Spectra se cherche un graphiste...»

«Je n'ai jamais fait de choix réfléchi, j'ai juste suivi le chemin de mes amitiés», nous dira l'affichiste Yves Archambault, «l'artiste en résidence» du Festival international de jazz de Montréal qui expose ses oeuvres à la Galerie-lounge TD jusqu'au 20 mai. Accrochées d'abord, les affiches qu'il a réalisées pour le FIJM depuis 25 ans, mais aussi des collages, des montages et des croquis qui témoignent de la démarche originale d'un artiste qui a conçu sa première affiche de jazz avec un dessin... de Miles Davis.

De Miles à Léonard

«Alain Simard et André Ménard, qui étaient proches de Miles, avaient obtenu sa permission de se servir de l'une de ses oeuvres graphiques pour une affiche du Festival.» Jusque-là, les affiches du Festival de jazz avaient été conçues par les agences de publicité des commanditaires principaux. Pour la première affiche maison, Archambault avait construit autour du dessin du «prince des ténèbres», l'entourant de couleurs avec le logo du FIJM, une création de Jacques Bourassa qui n'a pas changé depuis 1980.

L'affiche avait généré «peu d'enthousiasme» en dehors des bureaux de Spectra, tout comme la suivante, celle de 1989, l'étoile, inspirée «de l'homme de Vitruve» de Léonard de Vinci - oui, celui avec les jambes écartées et les bras étendus. «C'était un exercice de style qui voulait évoquer l'artiste projetant au-delà de son corps... Les gens n'étaient pas emballés.»

«L'erreur est féconde», rappelle-t-il, et le «coup de klaxon dans la rue», que représente pour Yves Archambault une affiche efficace, s'est produit en 1991 avec ces musiciens de jazz, toujours sveltes, dont ce merveilleux trompettiste qui, vu de dos, semble à l'écoute simultanée de toutes les musiques du monde. «Les yeux qui dansent», du titre de l'expo, ça doit venir de lui... Puis arriva le fameux chat de la Ste-Cat, une idée du bouillonnant André Ménard qu'Archambault a déclinée de multiples façons pour en faire la signature populaire, sinon familiale, du Festival de jazz.

Aujourd'hui, l'artiste qui a appris tous les métiers de l'imprimerie - typographie, lithographie, etc. - continue de travailler avec les matières fluides et d'alterner entre la table à dessin et l'ordi, mélangeant dans son âme de créateur l'encre et les pixels.

Les yeux qui dansent, 25 ans d'affiches du Festival de jazz, oeuvres d'Yves Archambault, à la Galerie-lounge TD, de la Maison du festival jusqu'au 20 mai. Entrée gratuite.