Des horloges, des montres, des métronomes, des téléphones cellulaires. Qui sonnent et résonnent, font coucou, égrènent les minutes et les secondes. Marquant inexorablement le temps qui passe. Rappelant à chaque instant l'heure qu'il est.

L'installation vidéo The Clock, de l'artiste visuel Christian Marclay, rassemble des milliers d'extraits de longs métrages de toutes les époques et de tous les genres, dans un montage durant précisément 24 heures. Coup de chapeau au septième art, The Clock n'est pas une narration ni une histoire recréée de toutes pièces, prévient le créateur, mais une réflexion sur le temps, l'éphémère, la mort. Sur la vie, aussi, au quotidien.

«Le temps est un système construit, qui dicte le rythme de notre vie. Il s'agit d'un système artificiel, qui nous empêche de plus en plus de lui échapper», fait valoir l'homme de 57 ans, né en Californie et ayant grandi... en Suisse, royaume de l'horlogerie.

Acquise par le Musée des beaux-arts du Canada (MBAC) et le Museum of Fine Arts de Boston, The Clock a valu à Christian Marclay le Lion d'or de la Biennale de Venise l'an dernier.

Pris dans le «filet du temps»

«Nous sommes pris dans ce filet du temps. Encore plus maintenant qu'à d'autres époques, où il n'y avait pas autant de machines. Aujourd'hui, même les téléphones donnent l'heure. Notre conscience du temps est donc plus exacerbée qu'autrefois», poursuit-il.

Christian Marclay a voulu titiller ce rapport au temps au moyen de son installation.

«Au cinéma, on est toujours un peu en dehors du temps, dit-il. Celui-ci devient très élastique. En deux heures, un film peut décrire une vie ou un siècle. Avec ce projet, je replace le temps artificiel dans le temps réel.»

Pour ce faire, Christian Marclay s'est attardé à des moments plus banals de longs métrages pour rendre tantôt l'ennui de l'attente, tantôt le stress de l'heure de pointe. Bref, à évoquer le quotidien. L'artiste veut également rendre l'esprit de chaque heure du jour. Entre 7 h et 8 h, l'intensité se ressent par le souci des uns et des autres de ne pas être en retard.

«À 21 h, l'ambiance est tout autre, dit-il. C'est une heure ambiguë: ce n'est plus le jour, mais pas encore la nuit... Même chose entre 5 h et 5 h 30, alors que ce n'est plus la nuit, mais pas encore vraiment le matin.»

Préparation de trois ans

L'artiste a mis trois ans à réunir les scènes nécessaires pour créer The Clock. Assisté de six personnes et de deux ordinateurs, il a rassemblé des milliers de références au temps, tant dans des dialogues que sur le seul plan visuel.

À l'instar des vinyles qu'il échantillonnait et refaçonnait à partir de morceaux de disques soigneusement coupés dès les années 70, l'ancien DJ a déconstruit le cinéma pour mieux montrer comment il est construit. C'est d'ailleurs le son qui colle les diverses pièces de ce puzzle visuel. Il nous amène à réfléchir à notre société où chaque seconde compte.

«L'art doit faire réfléchir et nous transformer, croit-il. Je pense qu'on sort de cette installation vidéo plus sensible au temps.»

La montre de Christian Marclay, elle, a toujours deux minutes d'avance, confie-t-il dans un large sourire. «On a peut-être toutes sortes de machines pour nous dire l'heure qu'il est, mais à une ou deux minutes près, on sait qu'on peut être en retard, que ce n'est pas la fin du monde...»