Entreprise d'économie sociale qui crée des murales à Montréal, MU fête ses cinq ans avec un bilan de 30 murales et de 35 projets communautaires. Si MU embellit la ville, elle a aussi un rôle social: apporter du bonheur dans les quartiers.

Le 1er novembre, MU a célébré son cinquième anniversaire en inaugurant la murale de l'École nationale de théâtre créée par Richard Morin. Sa trentième en cinq ans. La Presse a rencontré ses fondatrices, Elizabeth-Ann Doyle et Emmanuelle Hébert, pour comprendre d'où est venue l'idée de créer des oeuvres d'art sur les murs de la ville.

Les deux femmes ont travaillé comme coordonnatrices de projets aux États-Unis pour le Cirque du Soleil dans les années 90. En 1999, alors que le Cirque était à Philadelphie, Mme Doyle a constaté la profusion de murales dans la métropole de Pennsylvanie.

«J'avais alors rencontré l'organisme Mural Art Project qui a réalisé 3000 murales en 25 ans, ce qui fait de Philadelphie la capitale mondiale des murales», dit-elle.

L'idée de faire la même chose à Montréal est née en 2006. «En 2007, le Cirque a financé notre première murale dans Saint-Michel, dit Elizabeth-Ann Doyle. Le siège canadien de Benjamin Moore étant dans Saint-Michel, ils sont devenus également partenaires comme la Ville par l'intermédiaire de la conseillère Soraya Martinez.»

MU a créé des murales dans 8 arrondissements et 15 quartiers montréalais, à Québec, Ottawa et Saint-Jean-sur-Richelieu. Mais c'est au Quartier latin qu'on en voit le plus à cause du dynamisme de la Société de développement du Quartier latin et de la communauté locale.

Des oeuvres fortes

Le but de MU n'est pas de créer des murales partout. «On ne veut pas faire de la décoration, dit Mme Hébert, mais des oeuvres fortes qui ont du sens. On veut que Montréal soit la ville aux 100 murales!»

Les murales coûtent entre 35 000 et 50 000$. Les commandites représentent 50% du financement. Et la Ville, 20%. OperationMontreal.net et les arrondissements sont des rouages importants pour obtenir les permis nécessaires.

«La murale est une énorme production qui peut durer de six à huit semaines, dit Mme Doyle. À cause de leur taille, c'est zoné chantier de construction. Les échafaudages doivent être ancrés dans le mur. Il faut des plans d'ingénierie et pour que les murales durent longtemps, refaire les joints des murs, les dégraisser, poser un apprêt, etc.»

MU est un organisme de charité qui reçoit des dons et des subventions (20% de ses revenus) car il a un rôle social reconnu. Il donne des ateliers d'art mural l'été aux 13-17 ans. Il a créé le programme Laisse ta trace avec la CSDM pour les élèves de 5e secondaire. «Pour que les jeunes redonnent à leur école en l'embellissant», dit Emmanuelle Hébert.

Démocratiser l'art

La murale permet de susciter des vocations chez les jeunes, pour le graphisme, l'illustration, l'architecture, la conception de jeux vidéo ou la scénographie. Les murales apportent «de la dignité» dans les quartiers, comme celui des Habitations Jeanne-Mance où des jeunes ont créé une mosaïque et des tableaux placés le long du terrain de sport bordant le boulevard De Maisonneuve.

«Notre mission est de démocratiser l'art pour qu'il soit accessible peu importe où on habite», dit Emmanuelle Hébert.

Le choix des artistes se fait à partir d'un comité composé d'experts. «On ne choisit pas de graffiteurs car il y a déjà des organismes comme Café Graffiti ou Under Pressure, dit Mme Doyle. On explore l'art mural de façon plus large, avec la mosaïque voire un jour la vidéo.»

MU ne veut pas privilégier une esthétique. «Le tissu urbain est tellement éclaté ici qu'on veut représenter cette richesse et ne pas se concentrer sur un style, comme à Québec ou à Lyon où ce sont des trompe-l'oeil.»

MU a la tête remplie de rêves, notamment d'assurer sa survie. «Si la Ville pouvait se doter d'un programme et d'une vision pour dire que Montréal métropole culturelle ne signifie pas seulement des lieux de diffusion mais aussi de l'art dans les quartiers...» soupire Mme Doyle.

L'organisme aimerait trouver des mécènes pour créer 20 murales par an et enjoliver le béton des ponts et des structures routières pleines de graffitis. «On rêve de s'occuper de la Métropolitaine et du Silo No 5», dit Mme Hébert.

Dans le cadre du 375e anniversaire de Montréal, MU devrait rendre hommage aux bâtisseurs culturels de la métropole en créant une murale par an. «On a débuté avec Paul-Émile Borduas et Oscar Peterson, dit Mme Doyle. On aimerait poursuivre pas seulement avec des gens décédés. Des murales avec Michel Tremblay, Leonard Cohen, Frédéric Back. Et des femmes aussi!»