Les deux auteurs américains selon qui Vincent Van Gogh ne s'est pas suicidé mais a été tué, sans doute par accident, affirment avoir «rassemblé des preuves de sources multiples» pour étayer leur thèse.

«Je dois dire que nous sommes pris dans un véritable tourbillon que nous n'avions pas envisagé», a indiqué à l'AFP Steven Naifeh, interrogé par téléphone d'Aiken (Caroline du Sud) où les deux hommes résident.

«Nous pensions qu'il y aurait des réactions, mais pas à ce niveau de passion», ajoute-t-il.

Gregory White Smith et Steven Naifeh, lauréats du prix Pulitzer en 1991 pour leur biographie du peintre Jackson Pollock, ont publié cette semaine une biographie de 976 pages, Van Gogh: la vie, qui a suscité des réactions dans le monde de l'art, notamment à Amsterdam où se trouve le grand musée consacré au célèbre peintre néerlandais.

Selon les Américains qui ont passé dix ans à étudier la vie du peintre, Van Gogh ne serait pas mort en se tirant une balle dans la poitrine à Auvers-sur-Oise, village d'artistes à une trentaine de kilomètres de Paris, mais aurait été tué, sans doute par accident, par un adolescent.

Les «preuves viennent de sources différentes et c'est en les recoupant qu'une thèse différente émerge», a déclaré M. Naifeh à l'AFP.

Pour MM. Naifeh et Smith, un ensemble de faits -sans preuve formelle, reconnaissent-ils- conduit à penser qu'il y a eu meurtre.

Premier indice, une visite à Auvers dans les années 1930 de l'historien de l'art John Rewald. L'homme avait rencontré des personnes lui ayant affirmé que le peintre avait été tué par deux adolescents et que sur son lit de mort, Van Gogh avait parlé de suicide pour les protéger.

Deuxième fait, «l'incroyable aveu» en 1956 de René Secrétan, banquier, qui racontait en détail comment son frère Gaston et lui, alors adolescents, s'amusaient à tyranniser Van Gogh.

«Ils l'embêtaient sans cesse», dit M. Naifeh. «Ils avaient mis un serpent dans sa boîte de peinture. Ils mettaient du sel dans son café, du piment sur les pinceaux» qu'il machouillait en peignant et embrassaient des filles dans son champ de vision pour le gêner.

La troisième piste est un dessin de Van Gogh d'un garçon portant un chapeau de cowboy. Les auteurs pensent qu'il s'agit de René Secrétan, qui avait assisté en 1890 à Paris au spectacle de western de Buffalo Bill. Passionnés de cow-boys et d'armes, les deux jeunes avaient emprunté un pistolet à l'aubergiste Arthur Ravoux pour chasser les oiseaux.

René Secrétan n'a jamais dit avoir tiré sur Van Gogh, mais les deux auteurs pensent que cet ensemble de faits conduit à la thèse de l'homicide. «C'est une présomption, nous n'avons pas assez de faits pour être certains, je crois qu'on peut parler d'homicide par accident».

Deux gendarmes sont venus interroger l'artiste mais le rapport de police n'a jamais été retrouvé. «On l'a vraiment cherché, croyez-moi», dit M. Naifeh, «soit il n'a pas été archivé, soit il a été détruit».

En 1957, Adeline Ravoux, la fille de l'aubergiste âgée de 13 ans à la mort du peintre, avait raconté que Vincent van Gogh avait dit «oui» au docteur qui lui demandait s'il s'était suicidé, ajoutant «N'accusez personne, j'ai voulu me suicider».

Van Gogh voulait protéger les tireurs, pensent-ils. «Il mentait et il en était capable. Il mentait souvent dans ses lettres, toujours à dessein et dans ce cas, avec un objectif incroyablement généreux», dit M. Naifeh.

Le conservateur du musée Van Gogh à Amsterdam, Leo Jansen, interrogé par l'AFP, avait jugé l'hypothèse «intéressante». «Pour pouvoir croire à cette nouvelle théorie, j'aurais besoin de nouvelles preuves mais c'est très difficile, cela fait tellement longtemps».