Raffineries de pétrole, gisements de sables bitumineux, dépotoir de pneus: tous ces lieux peuvent, pour plusieurs, sembler plutôt crades. Mais ils ont exercé pendant plus d'une décennie une réelle fascination chez Edward Burtynsky. Le réputé photographe canadien présente, au musée McCord, le fruit de son odyssée photographique au coeur du monde pétrolifère.

Edward Burtynsky a parcouru le Canada, les États-Unis, l'Azerbaïdjan et la Chine pour capturer les effets de l'exploitation pétrolière, son emprise et ses conséquences sur les gens, les villes, les paysages et l'environnement. Il aurait bien voulu entrer en Arabie saoudite ou au Koweït, mais avec son équipement photographique, il était persona non grata.

Les 56 photographies grand format - la dimension de certaines d'entre elles atteint 60 par 80 pouces - accrochées aux murs du musée McCord permettent de découvrir des paysages méconnus illustrant les lieux de production et de distribution de l'or noir.

«J'étais intéressé de constater l'ampleur de tout ce qui entoure l'exploitation pétrolière. Je voulais voir d'où venait le pétrole et voir comment tous ces paysages sortiraient en images», se rappelle Edward Burtynsky.

Le photographe a commencé par s'intéresser aux raffineries, puis aux navires pétroliers, et enfin à ce qu'il appelle «la culture du pétrole».

«J'ai participé à des «concours de beauté» de camions et à une course Nascar, raconte-t-il. J'ai pensé à ces événements où le pétrole est au coeur du spectacle et à cette espèce de fascination qu'ont les humains pour la vitesse et la puissance.»

La pratique photographique d'Edward Burtynsky est particulière. Il y a quelques années, il s'est intéressé aux gens qui travaillent dans des méga manufactures en Chine ou dans des chantiers de recyclage au Bangladesh. Cette démarche artistique a été documentée dans un long métrage intitulé Paysages fabriqués (Manufactured Landscapes), sorti en 2006.

Ces lieux méconnus constituent une source intarissable d'inspiration pour Edward Burtynsky, notamment en raison du fait que les sociétés modernes en sont complètement déconnectées.

«Peu de personnes sont déjà allées dans une cour où sont empilés 35 ou 40 millions de pneus qui ont été jetés au rebut. Nous sommes isolés de ces paysages qui nous permettent de continuer à bénéficier du niveau de vie que nous avons. Mes photographies sont une façon de pénétrer dans ces lieux et de faire en sorte que nous finissions par les intégrer à notre conscience.»

Les projets artistiques d'Edward Burtynsky impliquent des mois de recherches techniques, scientifiques, politiques et géographiques - à l'autre bout du fil, il parle d'ailleurs de ses «sujets» avec beaucoup de précision et de rigueur.

«Si je suis sur le terrain pendant deux ou trois semaines pour prendre les photos, comme c'est souvent le cas, il faut prévoir de quatre à six mois de recherches. C'est vraiment la partie la plus exigeante du projet. Une fois que je me retrouve devant mon sujet, c'est la partie amusante!»

Si les clichés ont indéniablement une portée sociale, le photographe hésite à les décrire comme des oeuvres politiquement et socialement engagées. «Je ne présente pas mes oeuvres comme des manifestes», souligne-t-il.

Par contre, il estime que ses photographies peuvent contribuer à susciter une réflexion et permettre au public de prendre conscience de l'ampleur du phénomène de la consommation.

«Je crois que les images que je produis peuvent faciliter le dialogue et permettre de faire en sorte que les gens constatent les conséquences que la consommation entraîne», indique-t-il.

Les oeuvres photographiques d'Edward Burtynsky font partie de la collection d'une cinquantaine de musées d'importance à travers le monde, incluant le Musée des beaux-arts du Canada, le Musée d'art moderne de New York et le Musée Reina Sofia de Madrid.

L'exposition Edward Burtynsky: Pétrole aura lieu du 6 octobre au 8 janvier. Elle est organisée par la Corcoran Gallery of Art de Washington.