Pour la première fois de son histoire, le Musée d'art contemporain de Montréal (MACM) utilise toutes ses salles pour exposer une centaine des oeuvres de sa collection. Déjà - Grand déploiement de la Collection est une randonnée artistique et ludique au paradis pluriel des artistes d'aujourd'hui.

C'est Josée Bélisle, la conservatrice des 7600 oeuvres acquises par le MACM (la moitié grâce à des dons), qui s'est échinée à sélectionner cette centaine d'oeuvres puis à donner un sens à l'exposition.

«Il s'agit d'un travail colossal bien que stimulant, estime Paulette Gagnon, directrice du musée. À l'approche de nos 50 ans, nous avons pensé que c'était le meilleur moment pour le faire.»

La commissaire Bélisle a donc dressé un portrait de l'art contemporain en choisissant et en organisant des oeuvres selon des thématiques ou des axes de lecture qui tiennent compte du caractère des peintures, des sculptures ou des installations, soit «de leurs affinités structurales et conceptuelles», comme elle dit.

Il serait fastidieux et inutile de décrire ici toutes les oeuvres magistrales que le public peut aller admirer dès demain, de préférence avec en main le magazine gratuit du musée qui fournit des explications bien utiles pour la compréhension des oeuvres. Difficile aussi d'en privilégier certaines par rapport à d'autres.

Disons que l'expérience qui m'a le plus fasciné est liée aux oeuvres exposées dans la salle Joseph A. Simard. La commissaire y a installé deux immenses voilages noirs et blancs en forme de robe qui tournent autour d'un axe à la manière d'un derviche tourneur. Cette installation enivrante et interactive (on peut se placer à l'intérieur des voilages) d'Ann Hamilton est en totale harmonie avec l'oeuvre de Gary Hill qui s'intitule...Dervish.

Installée dans une pièce sombre où l'on entre ébloui et où nos yeux s'adaptent petit à petit, Dervish est une installation visuelle et sonore qui rappelle les danseurs turcs et leurs tourbillons rituels. Pour illustrer la surabondance d'images, de sons et d'informations qui caractérise notre modernité, Gary Hill nous la fait vivre en nous enivrant de stimuli.

La salle 7 contiguë présente Soliloquy, une vidéo doublement projetée par l'artiste d'origine iranienne Shirin Neshat et qui met en parallèle la condition féminine en Occident et dans les pays musulmans. De très belles images de l'Orient coloré et un contraste saisissant entre tradition et modernité pendant 17 minutes.

Non loin, les photos circulaires de Luc Courchesne, les bustes à la gloire de Bach, par Raymond Gervais, et le We Were in Kyoto très ludique du couple Kabakov invitent au voyage et au plaisir.

La salle Nahum et Sheila Gelber présente les Grands archétypes, des oeuvres de grande taille, comme deux statues géantes de David Altmejd, son Dentiste vêtu de miroirs et son Berger imposant, tout de crin, de luisance et de quartz.

Couché sur le sol, le Gisant de plomb de Marc Quinn est original et bien fait. Les Boat People d'Alfredo Jaar, représentés par des photos révélées par des miroirs placés sur le mur, est une oeuvre émouvante où la liberté croise le destin sur les flots.

À noter aussi dans cette salle l'igloo en acier et vitres cassées de Mario Merz, une très belle oeuvre d'Ed Pien, encrée et découpée dans du matériau réfléchissant et un essai sur le reflet par Nicolas Baier.

Dans la salle Liliane et David M. Stewart, photographies et sculptures conversent et racontent notre monde qui bouge. Une forêt d'acier de Michel Goulet fait de l'ombre à la photo en surplomb d'un intérieur urbain délabré d'Alain Paiment. Plus loin, avec Le corps du ciel, Geneviève Cadieux accorde le gris des nuages au bleu d'une peau.

La salle 1 est un lieu à géométrie variable: deux immenses tunnels concentriques de Bruce Nauman côtoient un bloc de dolomite d'Ulrich Rückriem, les cercles de grès pour Richard Long et de peintures sombres pour Claude Tousignant, sans parler du cône de graisse de Royden Rabinowitch (ne pas toucher, ça tache!) que les employés du MACM ont réalisé sur place avec des barils de graisse haute pression.

OEuvre majeure de Louise Bourgeois, The Red Room - Child est enfin une invitation au regard intérieur de l'extérieur des choses. L'envers des apparences, dit Josée Bélisle qui signe là un grand moment d'art pour un musée qui réussit pleinement et en grand son (re)déploiement.

Du 26 mai au 4 septembre

Info: www.macm.org