Le voilà, le beau petit cochon rose de Sarah Garzoni, plus beau encore que la reproduction dans le catalogue de la galerie Art mûr. Sa peau est creusée de motifs semblables à ceux des divans en cuir. On aimerait s'asseoir dessus. Mais comment a-t-elle fait pour qu'il ressemble autant à un vrai petit cochon? Réponse: c'est un vrai, passé chez le taxidermiste.

Il en est ainsi pour l'ensemble des oeuvres «animalières» de Garzoni rassemblées dans la grande salle de la galerie de la rue Saint-Hubert. Il y a le paon dont la tête recouvre une vieille machine à coudre et qui étend ses plumes comme la traîne d'une robe de mariée. Il y a les vrais papillons dans des boîtes vitrées qui ont des marques de commerce sur les ailes - oreilles de lapin de Play Boy, code barre, ou encore motifs de camouflage de l'armée - marques imprimées au laser. Il y a cette fière poule recouverte d'un manteau en (vraie) peau de lapin. Et ces bizarres phasmes qui, une fois rassemblés, ressemblent à un arbre miniature. Les phasmes sont des insectes qui adoptent les formes des tiges ou des feuilles sur lesquels ils vivent. Ajoutons à cela un corset rempli de dents de requin, des robes et des objets de cuisine aux empreintes curieuses: mamelons, nombrils, taches de naissance, etc.

On commence par sourire devant ces «choses» étonnantes. Puis on est gêné parce qu'il s'agit de vrais animaux empaillés et d'insectes séchés. On comprend que l'artiste soulève des questions relatives aux rapports entre les humains et les animaux, à la marque de commerce que l'on imprime sur la nature... Il est aussi question des rapports avec notre corps. Le travail est fait avec une telle dextérité qu'il soulève l'admiration. Mais qui est donc cette artiste et d'où sort-elle? Il s'agit d'une jeune Française en début de carrière que la galerie a découverte sur Internet. C'est sa première exposition au Canada.

Quel tour de cochon quand même, à donner la chair de poule!

La mémoire des lieux

Les deux autres expositions en cours chez Art mûr ont un point commun.  Ewa Monika Zebrowski et Renée Duval s'intéressent à la mémoire des lieux. La première, par la photographie qu'elle réussit parfois à faire ressembler à la peinture; la seconde, par la peinture qui évoque les photographies souvenirs de paysages.

Ewa Monika Zebrowski a d'abord fait du cinéma à l'ONF avant de se consacrer à la photographie. Mais elle voit avec un oeil de cinéaste. Il y a du mouvement dans les images qu'elle saisit avec un appareil numérique. Images de reflets dans des miroirs usés, vieilles fenêtres, maisons vénitiennes qui tremblent comme si elles étaient devenues leur propre reflet dans l'eau... Il y a quelque chose d'évanescent dans ces photographies de lieux non habités comme ces images qui sont dans nos mémoires et que l'on n'arrive jamais à saisir vraiment.

Renée Duval, Montréalaise d'adoption, a une certaine nostalgie pour les lieux de son enfance à Vancouver. Elle a travaillé à partir d'images prises sur internet, images qui incitent au voyage. Elle en a tiré une vingtaine de tableaux, tous dans des teintes de bleu. Les paysages de nuit sont enfermés dans un ou deux cercles, sorte de représentation de lorgnette d'où l'on regarde le présent à partir du passé,  ou encore traversant l'espace, depuis Montréal jusqu'à Vancouver.

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Sarah Garzoni, Ewa Monika Zebrowski, Renée Duval à la galerie Art mûr, 5826, rue Saint-Hubert, jusqu'au 26 février. Ouvert mardi et mercredi, de 10 h à 18 h; jeudi et vendredi, de 12 h à 20 h; samedi, de 12 h à 17 h. Entrée libre.