Des scientifiques ont identifié grâce aux rayons X la réaction chimique complexe responsable de la dégradation de l'éclat des jaunes dans certaines oeuvres de Van Gogh ou d'autres artistes de la fin du 19e siècle, selon une étude publiée lundi.

Si l'assombrissement du jaune de chrome était déjà un phénomène connu, le processus chimique exact impliqué restait ignoré.

Les rayons UV seraient en grande partie responsables de cette dégradation, selon les scientifiques du Centre de recherche et de restauration des musées de France, de l'université technologique de Delf et du Van Gogh Museum aux Pays-Bas ainsi que des universités de Pérouse (Italie) et d'Anvers (Belgique) qui ont contribué aux travaux publiés dans la revue Analytical Chemistry.

Pour révéler la réaction chimique se déroulant dans une couche ultrafine de la peinture, les chercheurs ont eu recours aux rayons X de l'European synchrotron radiation facility (ESRF) de Grenoble (France).

«Notre faisceau de rayons X est cent fois plus fin qu'un cheveu humain et révèle des processus chimiques complexes sur des zones également minuscules» ce qui «a ouvert la porte à un nouveau monde de découvertes pour historiens d'art et conservateurs», explique Marine Cotte, chercheuse à l'ERSF travaillant aussi au CNRS/Musée du Louvre.

D'où la possibilité «de sonder soit uniquement la couche d'altération, soit la couche en dessous qui est encore saine», a-t-elle précisé à l'AFP.

L'utilisation de couleurs vives par Van Gogh a été possible grâce à la fabrication de nouveaux pigments industriels tels que le jaune de chrome.

Son assombrissement, variable selon les tableaux, est lié au niveau  d'oxydation du chrome. «Au départ dans le pigment était sous forme de chromate, donc très oxydé», mais dans «les parties altérées, il est réduit», c'est-à-dire moins oxydé, résume Marine Cotte.

Les chercheurs ont en effet découvert qu'une réduction du chrome (l'inverse d'une réaction d'oxydation), expliquait le processus. «L'état d'oxydation fait toute la différence», souligne la chercheuse.

La lumière, en particulier les UV, serait en grande partie responsable de cette modification chimique.

À partir de restes de tube de peinture jaune datant de l'époque de Van Gogh, les chercheurs ont réalisé des échantillons de peintures, dont une partie était protégée par du papier aluminium et le reste vieilli artificiellement à l'aide d'une lampe UV.

«Sous le papier alu, le pigment n'a absolument pas changé de couleur et par contre toute la partie exposée à la lumière est devenue marron», résume Marine Cotte en présentant le travail réalisé par Letizia Monico (Université de Pérouse) en collaboration avec des chercheurs de l'Université d'Anvers.

Les recherches se poursuivent pour comprendre si des composés chimiques  contenant du baryum ou du soufre, présents dans la peinture blanche utilisée par Van Gogh pour rendre le jaune plus lumineux, ont accéléré l'altération de sa peinture.