Parmi toutes les oeuvres de la collection d'Hydro-Québec que gère Anne-Claude Bacon, la plus imposante est à l'entrée du siège social, boulevard René-Lévesque. Il s'agit d'une murale de fibre de verre et de résine colorée de 22 mètres de Jean-Paul Mousseau.

Conçue pour l'inauguration du nouvel édifice gouvernemental au début des années 60, la murale de Mousseau a été préférée à une soixantaine d'autres propositions, dont celle d'un certain Jean-Paul Lemieux. Mousseau a travaillé pendant six mois sur cette oeuvre montée sur un treillis de cuivre. Cinquante ans plus tard, cette oeuvre monumentale qui a été restaurée en 2001, après des années de négligence, n'a pas perdu de sa beauté ni de sa modernité.

«C'est une oeuvre d'une grande valeur historique qui a donné le coup d'envoi de la collection d'Hydro Québec et surtout, qui a été le premier jalon de la reconnaissance de la modernité artistique par le gouvernement», m'explique la conservatrice.

Responsable de la collection Hydro-Québec depuis 2004, cette native de Québec, âgée de 35 ans, a fait sa maîtrise en histoire de l'art sur les dessins érotiques de Johann Heinrich Füssli, un artiste suisse allemand du XVIIIe siècle, pas tout à fait un contemporain de Mousseau. Qu'à cela ne tienne. Depuis qu'elle a pris en charge la collection d'Hydro-Québec, elle a acquis une centaine d'oeuvres à la modernité tranchante de Robert Pelletier, Yann Pocreau, Nadia Myre ou Bill Vazan.

La conservatrice l'avoue d'emblée: «J'aime les oeuvres qui déstabilisent les gens. En même temps, j'ai des contraintes qu'un musée n'a pas. J'évolue dans un univers professionnel et institutionnel. Je peux bousculer les gens jusqu'à un certain point. Si à l'interne, les employés n'ont pas envie de s'approprier une collection et d'en être fiers, alors cette collection ne sert à rien.»

La collection d'art d'Hydro-Québec est née au début des années 60 avec l'acquisition de la Shawinigan Water and Power qui possédait une quarantaine de tableaux du XIXe siècle. L'écrivain Jacques Folch-Ribas a été le premier à gérer la collection et à l'enrichir d'oeuvres de Borduas, Lemieux, Gauvreau et McEwen.

Quarante ans plus tard, la collection compte plus de mille oeuvres, exposées un peu partout dans les locaux du siège social, mais aussi dans les bureaux et les succursales en province. Au printemps dernier, Hydro-Québec a annoncé la suspension de son budget d'acquisition d'oeuvres pour une durée indéterminée en raison des coupes imposées par le gouvernement. Le milieu s'est immédiatement mobilisé, une pétition a circulé sur le web et la pression populaire a finalement convaincu Hydro-Québec de revenir sur sa décision.

Anne-Claude Bacon n'aime pas évoquer l'événement. Elle préfère rappeler qu'en 2010, elle a acquis 20 nouvelles oeuvres avec l'appui d'une haute direction qui, de toute évidence, a compris que l'art n'est pas un jeu, mais un rouage essentiel de la culture québécoise.