La lecture de Pablo Picasso, qui n'a plus été exposée en Europe depuis 1932, année de sa création, fait son retour sur le Vieux Continent.

Elle est visible à Paris depuis ce mercredi après-midi et pour trois jours, avant de gagner Londres pour une vente aux enchères où elle promet d'atteindre des records.

Peinte en janvier 1932, la toile représente Marie-Thérèse Walter, la maîtresse secrète de l'artiste, marié à l'époque à la danseuse russe Olga Khokhlova.

Pablo Picasso rencontre Marie-Thérèse en 1927 lorsqu'elle n'a que 17 ans. Dès lors, les traits de la jeune femme se devinent - en filigrane - sur ses tableaux. Fin 1931, l'artiste ne parvient plus à dissimuler le visage de sa muse. Il le dévoile clairement dans La lecture et Le rêve, son célèbre pendant, peint quelques jours plus tard.

Les deux portraits sont exposés l'un à côté de l'autre pour une rétrospective Picasso en 1932 dans une galerie parisienne et au Kunsthaus de Zurich. Puis l'on perd la trace de La lecture jusqu'en 1940, où elle réapparaît dans une galerie new-yorkaise. Ensuite, la toile passe entre les mains de plusieurs collectionneurs américains - qui ne l'ont jamais prêtée pour des expositions.

À présent et jusqu'à vendredi, elle est présentée à Paris chez Sotheby's, qui la vendra aux enchères à Londres le 8 février.

«C'est la première fois qu'on peut voir ce tableau ailleurs qu'aux États-Unis», souligne Thomas Bompard, responsable de l'art impressionniste et moderne chez Sotheby's.

L'oeuvre fait partie d'une série «mythique», relève-t-il. «Picasso n'a jamais chanté avec autant d'espoir, avec autant de lyrisme et avec autant d'optimisme l'amour d'une femme». Selon M. Bompard, la série de portraits de Marie-Thérèse est «très recherchée parce que très colorée».

«Picasso, pour chaque femme qu'il a aimée et donc peinte, avait une palette particulière», rappelle-t-il. Sportive, Marie-Thérèse avait «un corps extrêmement voluptueux». Pour représenter la jeune femme blonde au «physique assez solaire et très lumineux, Picasso a opté pour une palette très vive, très estivale». À l'inverse, sa compagne suivante, Dora Maar, «plus torturée», a été peinte avec des «couleurs plus acides, plus dures».

Avec La lecture, «vous êtes dans la série la plus chère de l'artiste le plus cher», note le spécialiste de Sotheby's.

L'huile sur toile est estimée entre 12 et 18 millions de livres sterling (entre 19 et 28,6 millions $CAN). Elle devrait être adjugée plus de 30 millions d'euros (47,7 millions $CAN), prédit M. Bompard, qui ne la voit cependant pas dépasser les 100 millions $US en raison de son format modeste (65,5 x 51 cm).

En mai 2010, une grande toile de 1932 représentant Marie-Thérèse Walter avait établi un record d'enchères. Chez Christie's à New York, Nu au plateau de sculpteur ou Nu, feuilles vertes et buste avait été adjugé 106,5 millions $US.

M. Bompard doute que des musées puissent acquérir La lecture: «Ce n'est ni dans leur intérêt, parce qu'ils ont des tableaux comparables, ni dans leurs moyens». Le public ne pourra donc plus admirer cette toile pendant un certain temps - à moins que le nouvel acquéreur ne se montre plus prêteur que ses prédécesseurs.