«Si je disparais, ne laissez pas mes oeuvres mourir, montrez-les», avait demandé le peintre allemand Felix Nussbaum, mort en camp d'extermination en 1944, dont le musée d'art et d'histoire du Judaïsme à Paris propose la première rétrospective en France.

Avec 40 peintures et 19 dessins, elle rassemble les oeuvres les plus importantes et les plus spectaculaires de l'artiste. La plupart proviennent de la Felix-Nussbaum-Haus, musée que lui a consacré Osnabrück, sa ville natale en Basse-Saxe. La rétrospective (jusqu'au 23 janvier) s'accompagne d'un catalogue présentant l'oeuvre forte et sombre de cet artiste méconnu en France.

Felix Nussbaum, né en 1904 dans une famille de commerçants juifs aisés et amateurs d'art, se forme au temps de la Nouvelle objectivité allemande (Otto Dix) et au contact des avant-gardes européennes, notamment de la peinture métaphysique italienne (De Chirico). Il fait des débuts prometteurs mais avec l'arrivée d'Hitler au pouvoir, en 1933, il est mis au banc de l'Académie et prend le chemin de l'exil. C'est l'errance, qui passe notamment par Paris puis Ostende et Bruxelles.

En mai 1940, lors de l'invasion de la Belgique par l'Allemagne, il est arrêté et envoyé au camp de Saint-Cyprien, dans le sud de la France. Il parvient à s'évader et retourne à Bruxelles. Il y vit dans la clandestinité avec son épouse.

Hanté par son expérience de la captivité, il place ce sujet au centre de son oeuvre. Autoportrait dans le camp (1940) est une toile saisissante où l'artiste en guenilles darde un regard indompté en dépit de conditions de vie avilissantes.

Autoportrait au passeport juif (1943) le montre en homme traqué, porteur d'une étoile jaune et brandissant sa carte d'identité tamponnée en rouge avec le mot «juif».

La grande toile Le triomphe de la mort, signée du 18 avril 1944, met en scène des squelettes jouant une danse macabre endiablée au milieu des débris de la civilisation occidentale.

Deux mois plus tard, l'artiste et sa femme sont arrêtés sur dénonciation. Ils sont déportés dans le dernier convoi qui quitte la Belgique pour Auschwitz et meurent dans ce camp en août 1944.

À Bruxelles, Felix Nussbaum avait pensé à cacher une partie de ses toiles chez le Dr Grosfils. Mais après la guerre, celui-ci a refusé de les restituer aux héritiers de Felix Nussbaum. Au terme d'un très long procès, les oeuvres de Nussbaum ont fini par revenir à sa famille qui les a données au musée de la ville d'Osnabrück en 1969 afin qu'elles soient exposées, conformément au souhait de l'artiste.

Quelques années plus tard, un antiquaire belge a proposé au musée de la ville les poignantes toiles peintes entre 1942 et 1944 lorsque Felix Nussbaum se cachait dans une mansarde.

La collection ayant grandi, un musée dédié à Felix Nussbaum a été créé à Osnabrück. Conçu par l'architecte américain Daniel Libeskind, il a été inauguré en 1998 et rassemble plus de 200 oeuvres du peintre. Fermé depuis quelques mois pour travaux, il doit rouvrir en mars 2011.