Un fer ayant servi à repasser un costume de mariage, un rétroviseur fendu dans une crise de jalousie, ou encore un string en bonbons, le nouveau «Musée des coeurs brisés» à Zagreb réunit des centaines d'objets, ordinaires, bizarres ou cocasses, témoins d'amours éteintes.

Tout a commencé il y a cinq ans, lorsque Olinka Vistica et Drazen Grubisic, qui vécurent eux-mêmes ensemble pendant quatre ans, voulurent trouver un moyen de préserver l'«héritage» de ce qu'avait été leur liaison.

«Nous nous sommes dits que tout ce qui était beau à l'époque (...) ne devrait pas être détruit, mais plutôt préservé d'une manière ou d'une autre», explique Olinka, 41 ans, pour l'AFP.

«Nous avons lancé le projet en 2006, en l'appelant le Musée des coeurs brisés, en invitant des gens à faire don d'objets ayant marqué leurs vies intimes, leur permettant ainsi, par une sorte de catharsis, de se soulager du poids que représente une relation ratée», ajoute-t-elle.

Bien que l'on puisse se dire que la volonté d'exposer au public une part de sa vie privée relève de l'exhibitionnisme, Drazen Grubisic pense que la principale motivation des contributeurs, qui restent anonymes, a été simplement de tourner la page sur un chapitre de leur vie.

«Tous les événements majeurs dans notre vie, tels que les mariages ou les enterrements, sont accompagnés d'une sorte de rituel, alors que seules les ruptures des relations nous laissent dans la solitude», fait-il valoir.

Au départ, le projet d'Olinka et Drazen prend la forme d'une exposition itinérante qui, pendant quatre ans, va circuler à travers le monde.

À chaque étape, Olinka et Drazen amenaient avec eux le meilleur de leur collection à laquelle ils ajoutaient des objets offerts par des particuliers de la ville de passage.

Le «Musée» (www.brokenships.com) est aujourd'hui riche de quelque 700 objets venus du monde entier, et s'est transformé en exposition permanente.

Les objets sont répartis dans plusieurs pièces thématiques, telles que «la Rage et la furie», où l'on retrouve par exemple une hache, devenue un «instrument thérapeutique» dont s'est servi un Berlinois pour réduire en morceaux tous les meubles de sa petite amie.

Ailleurs, un flacon de shampoing italien pour toilette intime masculine est accompagné d'une notice explicative: «après notre rupture, ma mère l'utilisait pour polir les verres. Elle disait que c'était super».

Dans une autre pièce, baptisée «le Caprice du désir», on tombe sur des jarretelles de Sarajevo.

«Je ne les ai jamais mises. La relation aurait peut-être duré plus longtemps si je l'avais fait», lit-on sur une notice signée par l'ex-propriétaire.

Chaque objet exposé est accompagné d'une notice contenant des messages parfois cyniques, ou d'autres évoquant de vrais drames ou des douleurs profondes.

Comme celle affichée à côté d'une prothèse ayant appartenu à un Croate blessé pendant la guerre, dans les années 1990, et qui décrit sa relation avec une infirmière qui l'a aidé, à l'hôpital, à se doter de sa prothèse: «la prothèse a tenu plus longtemps que l'amour».

«C'est un concept excellent. Je l'aime parce qu'il met en valeur des histoires humaines qui deviennent de l'art», commente un visiteur, Domagoj Blazevic, un photographe de 31 ans. Il réfléchit à sa façon de contribuer à la collection, et pense amener des épingles à cheveux de son ancienne petite amie.

«C'est en même temps drôle et poétique, mais j'ai pu aussi ressentir de la douleur», dit Ivanka Mazurkijevic, une chanteuse croate.

Ainsi, ces prières que récitait une jeune femme de Manille, aux Philippines, lorsque son fiancé était à l'hôpital après un accident de voiture et qui finit par mourir.

Les femmes surtout ont donné des objets, précisent les auteurs de l'exposition. À leur «surprise», en Turquie, les coeurs brisés étaient surtout ceux des hommes.