La hantise est le titre d'une exposition présentée à la galerie Art mûr. Et même si ce n'est pas dit clairement, il s'agit surtout de la hantise de la mort, sujet d'actualité.

Ève De Garie-Lamanque, toute jeune historienne d'art, n'avait sans doute pas prévu la tenue d'une enquête publique sur la pertinence de l'euthanasie quand elle a conçu son «oeuvre». «OEuvre» parce que cette hantise, c'est la sienne, qu'elle exprime à l'aide d'objets d'art créés par une dizaine d'artistes. Des objets qui l'ont fascinée parce que, curieusement, l'absence y est très présente.

Cela commence par une série de miroirs anciens, petits miroirs à poignée, qui ne reflètent rien (April Hickox). Trop vieux peut-être, à moins qu'ils n'aient perdu leur tain à la mort de leurs propriétaires. En fait, nous sommes devant des miroirs qui ont été scannés, d'où l'absence de réflexion, explique la jeune femme en faisant le tour de l'exposition avec nous.

La mort est toutefois clairement présente dans les photos de Spring Hurlbut. Le sac en plastique transparent déposé sur un vieux pèse-personne contient les cendres de James, selon le titre. L'aiguille indique le poids: un peu plus de trois livres. On est si peu de chose! D'autres photos font voir des poussières formant des nuages - poussières de cendres, toujours. D'après la commissaire, l'artiste aurait, par cette oeuvre, intégré la mort de son père dans sa propre vie.

Devant une grande photo montrant ce que l'on croit d'abord être un entrepôt désaffecté, on s'interroge sur sa pertinence dans cette exposition. Jusqu'à ce qu'un coup d'oeil au titre donne la vérité. Gas Chamber, peut-on y lire. Cette photo des frères Carlos et Jason Sanchez a été prise en Pologne. Il s'agit, selon Ève De Garie-Lamanque, qui se passionne pour le sujet, de la seule chambre à gaz conservée à Auschwitz.

Il y a aussi cette grande photographie de Yan Pocreau prise dans une maison abandonnée où l'on voit un homme accroupi sur lui-même dans une pièce ronde et vide. Outre les oeuvres exposées aux murs, il y a quelques objets solitaires, eux aussi inquiétants. Comme cette urne en céramique repliée sur elle-même (Laurent Craste). Ou cette maquette d'une maison suspendue qui semble se refléter dans l'eau devant des arbres dénudés eux aussi dédoublés (Kevin Yates). On pense aux maisons dévastées par des inondations. Ou encore cette miniature dorée de Guillaume Lachapelle, réplique d'un fauteuil roulant du XIXe siècle, en réalité chaise de torture.

Ève De Garie-Lamanque est une employée d'Art mûr. Elle présente ici la première exposition de sa carrière. Mais ce n'est pas la première fois que les directeurs de cette galerie de la rue Saint-Hubert, Rhéal Olivier Lanthier et François Saint-Jacques font confiance aux jeunes. Chapeau!

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La hantise, à la galerie Art mûr, jusqu'au 23 octobre.