Il pleuvait fort, samedi, sur l'épicerie Metro de Val-David dont on s'apprêtait à fêter le nouvel habit signé René Derouin. Pour le moment, le haut seulement est terminé. Il s'agit d'une couronne de panneaux peints dont les motifs évoquant la faune et la flore sont gravés dans le bois. La couronne en bas-relief fait tout le tour du bâtiment. Avec le temps, les murs s'orneront de plantes grimpantes dont les couleurs varieront selon les saisons. René Derouin et son équipe ont créé là une très belle oeuvre qui porte évidemment la marque du sculpteur-graveur.

Mais les gens de Val-David qui étaient au rendez-vous samedi, sous la pluie, célébraient plus qu'une oeuvre d'art. Ils fêtaient une victoire.

«Le projet a sauvé le Metro, dit Guylaine Parent qui vit à plein temps à Val-David. Je vis ici pour le plein air, la culture, la possibilité de rencontres. Le marché est le coeur du village. Je suis impressionnée par ce que le gérant (Jacques Dufresne) a fait avec René Derouin. Ce projet-là est symbolique. Val-David est une ville d'artistes.»

Robin Hutchinson, céramiste et propriétaire de la galerie Kao, va dans le même sens. «Les artistes sont souvent considérés comme des marginaux, des chômeurs, dit-elle. René Derouin prouve qu'on peut s'investir dans la société et être utile. Il avait une vision pour sauver l'épicerie. Il a rallié le gérant à cette idée. Il a invité la population à l'église pour expliquer son projet. À la fin de la présentation, les gens se sont levés pour l'ovationner.»

«Et en plus, le résultat est beau», ajoute son compagnon, le musicien Alan Gerber.

Rester à Val-David

«Il fallait agrandir le marché, explique Jacques Dufresne, épicier, fils d'épicier et petit-fils d'épicier. Ça fait plus de 100 ans que les Dufresne tiennent l'épicerie. La mairie refusait de m'accorder le permis. C'était trop gros pour le village. Et les responsables de la chaîne Metro voulaient que je m'installe sur la route 117. René Derouin tenait lui aussi à que l'épicerie reste au village. C'est une question de qualité de vie. Son projet a finalement eu l'appui de la population. La mairie a cédé.»

Pour René Derouin, qui «pratique» l'art public depuis longtemps, c'est aussi une victoire collective. «Je suis chanceux d'être à Val-David, dit-il, et d'avoir autant de soutien de la population. Et je suis chanceux d'avoir encore autant d'énergie, à 74 ans.»

Une heure avant que l'on inaugure officiellement le nouveau Metro, il y avait vernissage au Centre d'exposition de Val-David, situé en face du marché d'alimentation. Le centre était plein de monde samedi. Des amis du sculpteur, des gens qui soutiennent sa fondation et des artistes du coin. On peut y voir des oeuvres de Derouin et mieux comprendre comment l'artiste «dessine» en creusant le bois.

À l'étage, un autre aspect du travail du sculpteur est exposé. Il y a là deux grandes barques remplies de centaines de figurines. La moitié sont blanches ou de teintes pâles, l'autre moitié sont noires ou de couleurs sombres.

Au centre de chacune des barques, il y a un miroir. Quand on regarde d'un côté, la barque est chargée de Blancs. De l'autre, elle est chargée de Noirs. Nous sommes tous dans le même bateau de la vie, semble nous dire René Derouin.