Il y a eu une vie après le pop art. Une vie qui surprend, dérange, choque avec des oeuvres fortes et déstabilisantes. Pour mieux montrer qu'art, médias de masse et commerce peuvent se fondre l'un dans l'autre. Présentée au Musée des beaux-arts du Canada à Ottawa cet été, l'exposition La vie en Pop en témoigne.

«Faire de bonnes affaires est le meilleur art qui soit», a un jour annoncé Andy Warhol, grand-père du pop art disparu en 1987.

 

De nombreux artistes en art contemporain se sont emparés de ce principe pour se jeter dans la création d'oeuvres fondées autant sur leur propre célébrité et leur notoriété que sur la consommation de masse, la gloire, la fortune, les stratégies de marketing et les médias et ainsi mieux se positionner dans la vie du grand public.

Et c'est ce principe qui sert de fil conducteur à l'exposition La vie en Pop. L'art dans un monde matérialiste que le Musée des beaux-arts du Canada présente depuis hier.

«Faire de bonnes affaires est le meilleur art qui soit» ? On aurait pu tout aussi bien dire que «la fin justifie les moyens». Parce que les artistes qui auront marché sur les traces du principe énoncé par Warhol n'y vont pas par quatre chemins pour diffuser leur discours.

Oubliez les gentils tableaux de boîtes de soupe Campbell et les photographies sérigraphiées de Marilyn Monroe (que tous les enfants font aujourd'hui sur Photo Boot). Ici, on entre dans un monde pas mal plus déjanté, explicite, provocateur, choquant.

Assez d'ailleurs pour que le ministre canadien du Patrimoine, James Moore, ait dit publiquement qu'il n'irait pas visiter l'exposition après en avoir eu un avant-goût. Des mots qui pourraient davantage servir d'aimant que de repoussoir.

Tremplin

Mais revenons à l'exposition. Elle s'ouvre en replongeant dans la dernière période de création de Warhol qui, selon certains, avait perdu ses marques comme artiste. Les créateurs de l'exposition revisitent plutôt cette période en fonction de la pensée de l'artiste et s'en servent comme tremplin pour nous entraîner vers les travaux d'artistes plus contemporains tels Jeff Koons, Keith Haring, Damien Hirst, Sarah Lucas, Maurizio Cattelan et Takashi Murakami.

Pop Shop, l'oeuvre de Keith Haring retenue ici, constitue une évocation gentille de l'appropriation de l'art en tant que stratégie ou communication de masse. Connu pour ses graffitis de formes humaines et animales arrondies, Haring a ouvert en 1986 un magasin, rue Lafayette à New York, pour vendre ses propres oeuvres, ce qui n'a pas manqué de lui attirer la réprobation d'une partie de la communauté artistique, y voyant un geste purement mercantile. Une reproduction de la boutique est littéralement encastrée dans le parcours de l'exposition, avec un comptoir où l'on vend effectivement des objets marqués des oeuvres de Haring.

On n'a rien vu! Un peu plus loin, une salle consacrée à la série Made in Heaven de Jeff Koons, propose quelques photographies géantes explicites (sexe oral) dans lesquels Koons expose son mariage et ses ébats amoureux avec la politicienne et vedette de cinéma porno Cicciolina. Dans cette série, les organisateurs voient un point focal où l'art et la pornographie se rejoignent (l'art comme désir) et où Koons fait de lui-même (l'artiste) un produit de consommation. La salle est réservée aux adultes. Si vos enfants s'y égarent, attendez-vous à leur devoir de longues, très longues explications!

Controversé

Aussi controversée est l'oeuvre du Polonais Piotr Uklanski intitulée Les nazis. Celle-ci rassemble comme une banale galerie de portraits familiaux 65 photos de comédiens ayant joué des personnages nazis au grand écran. Exposée à Varsovie, l'installation a été vandalisée. On l'a même critiquée à New York!

Selon les organisateurs, l'oeuvre a pour but de «réfléchir aux questions morales lorsque des sujets historiques sont exploités à des fins commerciales par l'industrie du divertissement». Effectivement, prises séparément, les photos peuvent être vues simplement comme un élément dans la filmographie, voire le porte-folio, d'un artiste. Mises en commun et surtout sans perspective, elles font scandale.

Organisée par le musée Tate Modern et présentée à Londres puis à Hambourg, l'exposition fait un seul arrêt en Amérique du Nord: Ottawa. S'y retrouvent quelque 250 tableaux, dessins, estampes, photographies, sculptures, installations, etc. Le MBAC a inséré des éléments canadiens, en l'occurrence des oeuvres du collectif General Idea de Toronto.

La vie en Pop. L'art dans un monde matérialiste est présentée jusqu'au 19 septembre 2010 au Musée des beaux-arts du Canada à Ottawa.