Adam Cohen a toujours vu son père dessiner. Une visite de l'expo de la cinquantaine d'autoportraits, portraits de femmes et natures mortes (pastel, aquarelle, fusain, images créées à l'ordinateur, etc.) que propose la Galerie TD Lounge, c'est comme renouer avec de vieux amis pour le fils de Leonard Cohen.

Adam Cohen s'arrête devant un tableau «typiquement montréalais» de son père, Leonard. «Cette chaise-là était dans la maison de ma grand-mère, elle se trouve maintenant dans la maison de papa, rue Vallières. Je m'y suis assis tellement souvent, j'y ai fumé mes premières cigarettes.»

Juste à côté, son regard se pose sur un autre tableau: une guitare rouge, qui cache un porte-poussière. Le fils Cohen sourit: «Cette guitare doit encore être là à côté de la porte, rue Vallières. Exactement au même endroit.» Plus loin, il aperçoit une nature morte (chandelier, plat de fruits, lunettes sur une table), peinte à Hydra, en Grèce: «J'y ai passé quelques mois l'été dernier et ce chandelier était au même endroit sur la même table. Je me souviens du jour où il l'a peint, en 1976. Qu'est-ce qu'on fait avec deux enfants quand il pleut? On dessine. À la maison, que ce soit à Montréal, à Hydra ou à Los Angeles, on se lève le matin et il y a toujours sur la table des pages noircies de dessins. De les voir accrochés à Montréal, ça me fait du bien.»

Nous passons devant l'un des premiers dessins de l'expo, représentant la Marianne de la chanson So Long Marianne, fait dans un cahier ligné à Hydra, en 1961. À droite, un autoportrait couleur peint à Paris en 1976 côtoie une série d'autoportraits en noir et blanc plus récents faits à Bombay.

«Il dessinait souvent des autoportraits, commente Adam. Je le trouvais beau, mon papa, mais il se dessinait toujours avec le nez tordu, des lignes bizarres et de drôles d'expressions. Ma soeur et moi, on le corrigeait, on lui disait «non papa, t'es pas comme ça» et on se mettait à le dessiner. Si j'étais un fana d'art, je dirais que c'est du Cocteau. Il a toujours eu ce style.»

Un peu plus léger

Adam Cohen estime que pour son père, le dessin est l'opposé de l'écriture, quelque chose qu'il n'a pas à travailler et qui lui vient vite. «Le fait de gribouiller lui permet d'être un peu plus léger, croit-il. La légèreté ne lui est pas venue facilement, il a dû la chercher, éteindre une partie de lui-même et se retrouver. Pour lui, la méditation n'était pas une recherche spirituelle, mais une avenue créée par la désespérance.»

Ce n'est qu'en 2007 que Leonard Cohen a accepté qu'on réunisse ses dessins pour en faire une exposition qu'on a vue à Manchester, Toronto et Vancouver avant Montréal. «Ça fait un bon moment qu'on insiste pour qu'il expose ses oeuvres et il a fini par céder, dit Adam. C'est bien tombé: il n'est plus du tout disponible pour en faire la promotion parce qu'il est en tournée. De toute façon, il connaît trop d'artistes visuels dont c'est la vocation et il a honte qu'on s'intéresse plus à lui qu'à eux.»

Ses petits dessins, Leonard Cohen les qualifie de «décoration acceptable». S'il a accepté de les exposer, croit Adam, c'est justement pour montrer à quel point ce n'est pas sérieux pour lui.

«Mais moi, je reconnais Leonard Cohen dans ses dessins et j'ai l'impression que ça peut plaire aux gens, affirme son fils. C'est une belle annexe à son oeuvre, en particulier les poèmes qui les accompagnent, pleins de son autodérision, son humour, son esprit tranchant, son ironie et son regard intérieur. À 75 ans, il ne va pas en faire 100 autres. Je pense que ça l'intéresse moins justement parce que les gens s'y intéressent.»

Leonard Cohen ne sera pas présent au vernissage de son expo, ce soir. «Quand il est à Montréal, c'est justement pour échapper au côté show-business de Los Angeles, renouer avec ses racines et être tranquille à la maison», explique Adam.

Sa tournée mondiale triomphale, entreprise il y a deux ans, se poursuit toujours, mais les concerts prévus au printemps en Europe ont dû être reportés à l'automne parce que Cohen s'est blessé au dos.

«On a insisté presque férocement pour qu'il chante aux Jeux olympiques, révèle Adam. Ce n'est pas son style. Non seulement ça ne l'intéresse pas, mais on savait tous que k.d. lang allait y chanter Hallelujah. Que veut-on de plus? Elle est exquise.»

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EXPOSITION LEONARD COHEN, Galerie Lounge TD de la Maison du Festival (au-dessus de L'Astral), du 18 février au 9 mai. Entrée libre.