Quand on dit Tiffany, on pense souvent aux lampes, parfois à celles qui éclairent les tables de billard. Plus rarement au film Breakfast at Tiffany's, avec Audrey Hepburn. Mais presque jamais à l'église Erskine & American, rue Sherbrooke, à côté du Musée des beaux-arts.

Pour pallier cette méconnaissance, le Musée des beaux-arts de Montréal a inauguré vendredi une grande exposition, qui se tiendra jusqu'au 2 mai prochain, sur le célèbre verrier new-yorkais, avec comme pièce maîtresse les magnifiques vitraux de l'église, restaurés pour l'occasion.

Louis Comfort Tiffany avait un lien avec Breakfast at Tiffany's: le fameux déjeuner avait lieu au magasin Tiffany's, fondé par le père de l'artiste au milieu du XIXe siècle. Louis C. Tiffany a été grandement influencé par l'idée que se faisaient de la beauté les grands bourgeois new-yorkais.

Dès l'entrée de l'exposition au MBAM, on peut voir les encriers, les paravents, les pare-cheminées et les lampes opulents qu'il concevait, toujours avec une touche de verre coloré «opalescent», pour ses clients. Le détail de la décoration des lampes, en particulier, nous fait réaliser combien les copies sont loin de l'original.

Il est fascinant de constater, notamment grâce au magnifique catalogue, combien le luxe d'alors s'appuyait sur les travaux manuels. Une toile de Tiffany - dont la fascination pour les couleurs riches s'explique par ses voyages en Afrique du Nord durant sa formation de peintre - montre sa deuxième femme dans son studio, devant un immense four en forme de poire.

De nombreux employés

Ses vitraux, pour leur part, pouvaient nécessiter l'intervention d'une demi-douzaine d'employés qui martelaient et pliaient le verre chaud. Ceux de l'église Erskine&American, en voie d'être transformée en un nouveau pavillon du musée, ont évidemment des thèmes religieux. Mais Tiffany a aussi produit des vitraux pour des maisons privées, avec des thèmes naturels (poissons, plantes, fleurs).

Un vitrail illustrant une scène de sirène, réalisé pour le manoir d'un magnat du sucre à Hawaii, donne une idée de la richesse de la haute bourgeoisie de l'époque. Un autre vitrail, fait pour une exposition à Paris en 1895, a été réalisé à partir d'un dessin de Toulouse-Lautrec (figurant une clowne).

Le réalisme des oeuvres de Tiffany est frappant. Un vitrail montrant une femme en train de lire lui donne un visage presque aussi humain qu'une peinture. La lampe à huit branches «Pond Lily» a la souplesse et l'élégance fatiguée d'une vraie plante.

Les vitraux d'Erskine&American, les seuls de cette qualité à avoir été installés par Tiffany au Canada, sont de facture plus classique, quoiqu'un lien évident existe avec la peinture préraphaélite (comme, ironiquement, la vedette de l'exposition précédente du musée, Waterhouse) dans les visages.

Chaque détail est soigné: par exemple, un petit morceau de verre orangé installé au-dessus d'une lampe à huile, dans la scène des disciples d'Emmaüs, luit d'une lumière étrangement semblable à celle d'une flamme.

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Le verre selon Tiffany au Musée des beaux-arts jusqu'au 2 mai.