Le musée d'archéologie et d'histoire de Montréal présente l'exposition Sur le chemin des légendes. Pointe-à-Callière invite le public à découvrir le patrimoine oral francophone et autochtone d'Amérique du Nord à travers l'oeuvre de l'ethnologue et peintre Jean-Claude Dupont.

Quand Jean-Claude Dupont était petit, dans les années 30 et 40 à Saint-Antonin, près de Rivière-du-Loup, il adorait entendre les histoires des clients du magasin général de son père. Il l'accompagnait dans ses livraisons et entendait d'autres légendes.

Devenu professeur d'université, à Terre-Neuve et au Nouveau-Brunswick, il s'est spécialisé dans la technologie préindustrielle. Il interrogeait surtout les personnes âgées sur les techniques de pêche et de fabrication de bateaux. Souvent, ces derniers faisaient au passage allusion à des légendes.

L'ethnologue a alors eu l'idée de fixer cet aspect du folklore québécois avant qu'il ne disparaisse avec les derniers témoins des veillées d'antan. Il a demandé à 200 personnes de 30 villages de Beauce de lui raconter des légendes et a refait l'expérience dans son Témiscouata natal, en plus d'écumer les archives ethnologiques de l'Université Laval, où il avait été embauché.

Souvent, il demandait à ses interlocuteurs de lui dessiner une scène particulièrement savoureuse. Au fil des ans, il s'est mis à imaginer lui-même des croquis, puis s'est mis à la peinture naïve. Pour célébrer l'oeuvre de Jean-Claude Dupont, le musée Pointe-à-Callière organise jusqu'en mai une exposition de 100 de ses 400 tableaux qui relatent les légendes qui les ont inspirés.

«Quand j'ai commencé à dessiner, je n'en parlais pas autour de moi, a-t-il expliqué hier, durant la conférence de presse de lancement de l'exposition. Un ethnologue qui dessine, ça ne fait pas sérieux.»

L'ethnologue a lié certaines légendes à leurs origines françaises. Celle de la chasse-galerie viendrait des chasseurs revenants qui, dans plusieurs pays européens, erraient dans les bois avec leurs chiens. Dans le Poitou, un cheval était parfois appelé gaille. Une version poitevine de la légende s'appelait «chasse d'Abram», un nom repris dans la version néo-brunswickoise de la légende, lors de l'invocation permettant de faire voyager le canot dans les airs. M. Dupont a aussi retracé une version de Lowell, au Massachusetts, où le canot était remplacé par un autobus volant.

Au passage, on note que les sorciers étaient souvent des hommes au Québec, alors qu'en France il s'agissait de femmes. «La sorcellerie était en Europe une manière de contrer des femmes dangereuses qui contestaient la société, estime Francine Lelièvre, la directrice de Pointe-à-Callière. Au Québec, les femmes prenaient plus de place. Les hommes partaient tout l'hiver dans les chantiers. Les femmes s'occupaient de tout.»

Jean-Claude Dupont note des différences régionales à ce sujet: en Beauce, la sorcellerie était une affaire de femmes, et au Nouveau-Brunswick, il s'agissait d'Amérindiennes, de «sauvagesses» dans le lexique d'alors. L'exposition comprend des objets liés aux légendes, souvent des outils qui rappellent la première carrière de M. Dupont. On voit aussi une bottine du géant Beaupré (taille 22), lui-même légendaire.