Des chercheurs italiens espèrent obtenir l'autorisation d'exhumer les restes de Léonard de Vinci, conservés au château d'Amboise, pour procéder à une reconstruction faciale du maître avec l'objectif de résoudre une énigme qui divise les experts: la Joconde est-elle un autoportrait ou pas?

«Nous ne savons pas ce que nous trouverons si la tombe est ouverte», reconnaît Giorgio Gruppioni, un anthropologue participant au projet. «Si les restes sont bien conservés, ils constituent une archive biologique qui témoigne d'événements de la vie d'une personne et parfois de sa mort.»

Le chef de l'équipe de chercheurs, Silvano Vinceti, espère présenter bientôt le projet aux autorités françaises. L'autorisation d'exhumer le génie de la Renaissance est loin d'être acquise, et ne sera accordée qu'après une longue procédure. Le dossier devrait notamment être examiné par le ministère de la Culture.

Léonard de Vinci s'installe en France en 1516 à l'invitation de François Ier, qui le nomme «premier peintre, ingénieur et architecte du roi». Il meurt en 1519 à l'âge de 67 ans, au manoir du Clos Lucé (appelé alors le Cloux), près du château royal d'Amboise. Son lieu initial d'inhumation, l'église collégiale Saint Florentin, a été détruit durant la Révolution, ses restes présumés étant ensuite enterrés à la chapelle Saint-Hubert, dans l'enceinte du château d'Amboise.

Il y a «un grand point d'interrogation» sur l'identité des restes, souligne Alessandro Vezzosi, directeur du musée dédié au peintre à Vinci, en Toscane, la ville d'origine de l'artiste. M. Vezzosi, qui ne participe pas au projet, souligne que l'exhumation pourrait permettre d'authentifier les ossements avec certitude et résoudre d'autres questions, comme la cause de sa mort. Il précise avoir demandé l'ouverture de la sépulture en 2004 pour étudier les restes, mais n'a pas obtenu l'autorisation.

La centaine d'experts impliqués dans le projet, baptisé Comité national pour le patrimoine historique et artistique, a été créé en 2003 pour «résoudre les grandes énigmes du passé», précise M. Vinceti, auteur de livres sur l'art et la littérature.

Le mystère plane depuis longtemps sur l'identité du «modèle» qui a inspiré la Joconde. La thèse «traditionnelle» est qu'il s'agit de Lisa Maria Gherardini, épouse du riche marchand de soie Francesco del Giocondo. Certains chercheurs ont aussi évoqué une concubine du mécène florentin de l'artiste, Julien de Médicis, voire la mère de Léonard de Vinci. Et il y a aussi la théorie d'un autoportrait déguisé, qui intrigue et divise les experts.

L'équipe de chercheurs espère dater au carbone 14 les os censés se trouver dans la tombe. Des tests ADN pourraient être pratiqués pour authentifier les restes, à condition de pouvoir disposer d'un autre échantillon d'ADN de Léonard de Vinci, ce qui pourrait s'avérer compliqué, reconnaît M. Gruppioni.

Faute d'analyse ADN, d'autres tests pourraient fournir des informations utiles, en indiquant par exemple si les restes sont ceux d'un homme ou d'une femme et d'une personne jeune ou âgée. Mais pour avoir «un très haut niveau de probabilité, le test ADN est nécessaire», souligne Giorgio Gruppioni.

Les experts devraient également chercher des traces de pathologies ou d'autres causes du décès du peintre. La tuberculose ou la syphilis, par exemple, laissent des traces dans la structure osseuse, précise M. Vinceti.

Selon le scénario le plus favorable, le crâne bien conservé de Léonard de Vinci serait scanographié pour permettre une reconstitution d'abord virtuelle puis physique du visage. Il n'y aurait plus ensuite qu'à comparer avec les traits de la Joconde.