Eija-Liisa Ahtila a exposé au Tate Modern à Londres et au MoMA à New York. DHC/ART présente une rétrospective de ses oeuvres à partir d'aujourd'hui et jusqu'au 9 mai.

New York, il neige. Une femme pleure son chien noir. Elle revoit les lacs et les forêts finlandaises où ils ont été. L'action se transporte au Bénin, où une bourse de création la fait séjourner dans un centre artistique dédié à un fils du président béninois.

The Hour of Prayer constitue un tournant dans la carrière d'Eija-Liisa Ahtila, vidéaste finlandaise à qui la fondation DHC/ART consacre une rétrospective jusqu'en mai. «Mes premières vidéos étaient plus psychologiques, explique l'artiste en entrevue. Mes dernières sont plus politiques, racontent une histoire plus extérieure. Pour raconter ces histoires, il a fallu que je passe par l'autobiographie avec The Hour of Prayer

La dernière création de la vidéaste de 50 ans, Where is Where, relate un fait divers de la guerre d'Algérie, tel que raconté par une poétesse finlandaise. Deux frères musulmans, des enfants, ont assassiné un camarade de jeu français. Sa prochaine oeuvre suivra des pêcheurs africains qui affrontent une météo inclémente et une autre recréera l'Annonciation, avec pour actrices un groupe d'ex-alcooliques.

Auparavant, dans les années 90, Mme Ahtila s'était plutôt intéressée au deuil, au divorce, à la folie. Toutes les vidéos sont sous-titrées en français, grâce à une rétrospective qui a eu lieu en 2008 au Jeu de paume à Paris.

Les vidéos sont présentées sur plusieurs écrans montrant simultanément différentes images. «Ce qui m'intéresse, dit-elle, c'est la multiplicité des points de vue. On peut présenter la même histoire de plusieurs manières, on peut la comprendre de plusieurs manières. Le simple fait de raconter une histoire reflète un point de vue et c'est ce que je veux souligner.»

Féminisme

L'artiste finlandaise a fait ses premières armes au sein d'un collectif féministe. «Je m'en suis détournée pour me consacrer aux drames psychologiques parce que je trouvais que la critique et la dénonciation n'étaient pas suffisantes dans une oeuvre d'art.»

Le sujet de la mort est au coeur de sa démarche.

«Le New York Times a déjà dit que j'avais inclus dans une de mes vidéos une image tirée des films de Bergman. Je ne suis pas d'accord. Bergman a tout simplement pris une image de la mort couramment utilisée en Scandinavie. D'ailleurs, j'ai eu un choc quand j'ai vu que «mort» est en français un mot féminin. Pour moi, la mort donne leur sens aux mots, à la distance et au temps. La distance rend nécessaire la communication par les mots et le temps permet de mesurer la distance.»

On retrouve dans plusieurs de ses vidéos un personnage de femme qui s'envole. «Oui, c'est vrai. Je ne sais pas trop pourquoi. J'imagine que ça montre la possibilité d'échapper à la manière traditionnelle de raconter des histoires. L'ange Gabriel, dans mon film sur l'Annonciation, volera aussi. Mais je me suis dit que c'était la dernière fois où j'avais un personnage qui vole.»

____________________________________________________________________________________________________

La rétrospective Eija-Liisa Ahtila se déroule jusqu'au 9 mai à la galerie DHC/ART, 451 et 465, rue Saint-Jean, et à la Fonderie Darling, 745, rue Ottawa.