On connaissait surtout Norman Bethune pour ses aventures en Chine. Mais on savait moins à quel point Montréal fut une étape cruciale pour ce médecin canadien, mort à la fin des années 30. Le Centre d'histoire de Montréal lève le voile sur un pan moins connu de son parcours atypique.

Véritable Che Guevara de la médecine de brousse, Norman Bethune est passé à l'histoire comme un héros de la révolution chinoise. Ses deux années au chevet de l'armée maoïste (1938-1939) l'ont rendu célèbre bien au-delà de son Ontario natal, tout comme sa participation à la Guerre civile espagnole (1936-1938) où il était chirurgien pour les troupes républicaines.

Pas étonnant que, 70 ans après sa mort, l'homme soit plus connu à l'étranger qu'au Canada. Mais il ne faudrait pas oublier qu'avant de se transformer en Indiana Jones du bistouri, Norman Bethune a connu une carrière de médecin digne de mention dans son propre pays.

Ce chapitre moins connu est probablement le plus grand intérêt de l'exposition haute en couleur que lui consacre depuis mardi le Centre d'histoire de Montréal. Car si l'expo survole ses incontournables exploits internationaux, elle s'attarde aussi et surtout à sa période canadienne et, plus particulièrement, à ses huit années passées à Montréal (1928-1936), une étape qui s'avérera cruciale dans son parcours hors norme.

«C'est ici qu'il a eu son éveil de conscience, explique Jean-François Leclerc, directeur du Centre d'histoire de Montréal. C'est la période charnière qui l'a vu passer de bourgeois à communiste radical.»

Gauche anglophone, pauvreté francophone

Résumons. En 1928, Norman Bethune débarque à Montréal à l'invitation de l'hôpital Royal Victoria, pour se consacrer aux victimes de la tuberculose et à la chirurgie thoracique. Mais sa personnalité anticonformiste lui attire l'inimitié de ses collègues. Il travaille alors à l'hôpital du Sacré-Coeur, où il innove en créant une douzaine d'instruments chirurgicaux mieux adaptés à la chirurgie thoracique.

Ce séjour dans la communauté canadienne-française sera capital. Confronté à la pauvreté et aux inégalités sociales, le médecin prend conscience du fait que les soins de santé ne sont pas à la portée de tous, ce qui le pousse à proposer certaines réformes pour le système de santé canadien - sorte de version embryonnaire de notre assurance maladie actuelle.

Bourgeois dissident, Bethune fréquente parallèlement la bohème montréalaise. Son appartement devient le QG des intellos et des artistes de la gauche anglophone et militante. En 1935, il se joint finalement au Parti communiste canadien, qui est à ses yeux la seule solution de rechange valable au capitalisme sans filet social de l'époque. Ce sera, pour lui, le point de départ d'une mission qui se terminera quatre ans plus tard en Chine, où il mourra d'une infection.

«Montréal bougeait beaucoup à l'époque, souligne M. Leclerc. Le bain idéologique, artistique et professionnel dans lequel il a trempé l'a fait mûrir rapidement. Il en est sorti avec une conscience beaucoup plus globale que locale, qui l'a conduit à s'engager mondialement.»

Comme un vieux Batman

Intitulée Les aventures de l'imprévisible Dr Bethune, l'exposition du Centre d'histoire survole la vie du chirurgien grâce à une brochette de photos, de livres et de films d'archives. Le résultat est plutôt modeste, considérant que la plupart des objets lui ayant appartenu sont restés en Chine. Mais on soulignera surtout la facture ouvertement «pop art» de l'ensemble, qui multiplie les couleurs vives et les designs «cartoonesques» dignes d'un vieux Batman.

Un choix esthétique détonnant qui s'explique par le personnage lui-même, fascinant mélange d'électron libre et d'aventurier de la justice sociale. «C'était presque un héros de bande dessinée, conclut Jean-François Leclerc. Il avait un côté coloré. Sa vie fut rocambolesque. Dans un sens, il fut un peu notre Tintin socialiste communiste...»

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LES AVENTURES DE L'IMPRÉVISIBLE Dr BETHUNE, au Centre d'histoire de Montréal jusqu'au 29 août 2010. Infos: 514-872-3207 ou www.ville.montreal.qc.ca/chm