Au musée de l'Orangerie à Paris, les enfants de peintres sortent des tableaux et se souviennent des séances de pose: «torture» pour l'acteur Pierre Arditi, «agréable» pour l'écrivain Jean-Marie Rouart, «moment exceptionnel» pour le socialiste Manuel Valls.

À l'occasion de l'exposition Les enfants modèles. De Claude Renoir à Pierre Arditi, qui ouvre mercredi au public, plusieurs enfants, petits-enfants et neveux d'artistes ont évoqué ensemble mardi leurs souvenirs devant les toiles les représentant.

«Une séance de torture», résume Pierre Arditi devant la toile Pierre à la chaise rouge peinte en 1951 par son père Georges Arditi, né en 1914. «J'ai sept ans. Je suis dans une position invraisemblable», raconte le comédien.

«Je n'ai pas le droit de bouger. C'est insupportable. Mon père gueulait dès que je remuais un doigt», se souvient l'acteur. «Maintenant, je me dis que c'est un très beau tableau et que cela valait le coup», ajoute-t-il.

Sa soeur Catherine Arditi se souvient que ce n'était «pas très amusant de poser». «Notre père était nerveux. Il ne fallait pas remuer», confirme-t-elle devant un tableau de 1949 la représentant avec son frère dans l'atelier. Bouche bée, les deux enfants semblent tétanisés. «J'adore cette toile», précise la comédienne.

Dans la famille du député socialiste Manuel Valls, l'atmosphère était bien différente. Silence, rigueur et retenue. L'homme politique se souvient avec «émotion» d'avoir posé en 1976 pour son père, le peintre catalan Xavier Valls, arrivé à Paris en 1950.

Sur cette toile, le jeune Manuel a le visage sérieux, les mains jointes. «J'ai treize ou quatorze ans. C'est un moment exceptionnel et ça le reste», déclare le socialiste qui a perdu son père il y a trois ans.

«Il y a un sentiment d'épreuve physique car il faut se tenir droit. Mais je réalise l'acte d'amour qui était le sien lorsqu'il peignait cette toile», ajoute-t-il.

L'écrivain Jean-Marie Rouart explique que son père, Augustin Rouart, le «poursuivait de son pinceau». Même la nuit, le peintre braquait une lampe torche sur le visage de son fils pour le dessiner.

«J'aimais beaucoup poser. J'aimais bien qu'on s'intéresse à moi», déclare l'académicien devant plusieurs tableaux le représentant. «Mon père me racontait des histoires très agréables», se souvient-t-il.

Pour la petite-fille de Maurice Denis (1870-1943), Claire Denis, les séances de pose n'évoquent que des «souvenirs de gaieté». «Ce n'était pas du tout une corvée». Il est vrai que son grand-père ne faisait pas poser longtemps. Il réalisait des croquis très rapides et travaillait ensuite sans le modèle.

Javotte Taillade se souvient qu'elle entrait parfois à reculons dans l'atelier de son grand-oncle André Derain (1880-1954). «Il était très intimidant. À la fois grand et corpulent», souligne-t-elle devant son portrait réalisé en 1949 par le peintre.

Un grand absent à cette «réunion de famille»: l'anthropologue Claude Lévi-Strauss, décédé début novembre à l'âge de 100 ans. Il est représenté sur son cheval mécanique, en 1912, par son père Raymond Lévi-Strauss. Il n'a que trois ans mais son regard est déjà plein de détermination, souligne Emmanuel Bréon, directeur du musée de l'Orangerie.

Très plaisante et légère, l'exposition présente également de très beaux portraits des enfants de Picasso, Matisse ou Renoir, à côté d'artistes moins connus.