L'exposition Survivre au temps à la galerie DHC/ART montre que l'art peut devenir un sport extrême quand il se confronte à la solitude et au temps qui passe.

Avertissement: l'exposition Survivre au temps, présentant les travaux de Tehching Hsieh et Guido van der Werve, pourrait en rebuter plus d'un. Heureusement, DHC/ART fait tout ce qui est possible pour rendre l'expérience accessible et enrichissante.

 

«L'idée de Session DHC est d'offrir aux visiteurs la possibilité d'explorer l'art contemporain dans un contexte pédagogique où l'on retrouve les expositions, mais aussi des événements le soir, des activités éducatives et un salon de lecture», explique la commissaire de Survivre au temps, Sarah Watson.

Microcosme muséal s'il en est, ce contexte permet d'apprivoiser deux artistes extrêmes qui «vivent leur concept plutôt qu'être dans l'art de la représentation. Ils sont corps et biens voués à l'oeuvre», poursuit Mme Watson.

Originaire des Pays-Bas, Guido van der Werve se met en scène dans deux «performances» filmées, l'une en 16 mm, l'autre en vidéo HD, en plein hiver. Dans l'une, Nummer Acht, il marche vers la caméra, devançant de quelques mètres seulement un brise-glace, menaçante figure du temps qui coule. Dans l'autre, Nummer Negen, l'artiste est planté en plein pôle Nord et tourne sur lui-même pendant une période de 24 heures, les images le montrant en accéléré.

Les films de van der Werve s'avèrent captivants pour les spectateurs nordiques que nous sommes. Happés par la vastitude et la figure centrale et solitaire à l'écran, notre réflexion vogue allégrement vers la condition humaine confrontée à l'éternité.

La démarche de Tehching Hsieh, quoique fort différente, nous montre également la solitude parfois «extrême» de l'artiste. Avant de disparaître du milieu de l'art, l'artiste d'origine taïwanaise a réalisé dans les années 70 et 80 cinq performances d'une durée d'un an.

La première exposée chez DHC, Time Clock Piece, montre l'artiste photographié à chaque heure d'une année complète aux côtés d'un horodateur à pointage, ou machine à puncher comme on dit chez nous. La régularité obsessive de la démarche est troublante, les images nous laissant voir un homme fatigué, transformé par l'inéluctabilité du temps.

Quelques mois plus tard, la performance de 1981-1982, quant à elle, se déroule entièrement en extérieur à Manhattan. L'artiste a passé une année complète à manger, marcher et dormir dans la rue, mis à part un bref séjour en prison. Toutes les performances sont méticuleusement documentées. Quoiqu'empreinte d'un sentiment de mal solitaire, la démarche de Hsieh est également une percutante affirmation de soi au sein d'une société où il venait tout juste d'arriver.

Chez Pierre-François

Le radeau de la Méduse (100 Mile House) qu'Adad Hannah expose chez Pierre-François Ouellette poursuit la démarche de l'artiste dans la réalisation de tableaux vivants, utilisant vidéos et photographies, questionnant aussi notre perception du temps, des images fixes et en mouvement.

Dans sa «re-création» d'oeuvres comme Las Meninas de Velasquez, et cette fois, le célèbre tableau de Géricault montrant des naufragés en mer - qui auraient, dit-on, sombré dans le cannibalisme et la folie -, Hannah touche aussi aux thématiques du réel et de la fiction, de la représentation et de la vraisemblance, du regard et du voyeurisme.

Comme quoi, la démarche de l'artiste, de prime abord ludique, sait creuser les sillons derrière l'image, leurs ramifications esthétiques et leur portée philosophique.

La galerie présente également quelques photographies de Marc Audette, lauréat du prix Chalmers de créativité et d'excellence dans le domaine des arts. Ce travail est le résultat d'une résidence en Argentine qui vient tout juste de se terminer.

Artiste de la lumière et de la mise en scène, Audette crée pourtant des images poétiques évocatrices. L'espace restreint disponible nous laisse cependant sur notre faim. L'idéal serait de voir un jour l'ensemble de la production argentine du photographe dans une grande surface.

L'exposition Survivre au temps est présentée à DHC/ART jusqu'au 22 novembre. Les oeuvres d'Adad Hannah et de Marc Audette sont exposées chez Pierre-François Ouellette art contemporain jusqu'au 28 novembre 2009.