L'art du Jello? Si si: de l'art. Vous avez bien lu. Avouez que l'association est saugrenue. Mais après tout, pourquoi pas?

Non, le Jello n'est pas que cette substance chimique gélatineuse. Il peut aussi se métamorphoser en toutes sortes de constructions, en pyramides, en cathédrales et en gâteaux de mariage. Il peut être tantôt santé, tantôt alcoolisé, voire... phosphorescent!

C'est du moins la démonstration que s'efforcent de faire deux jeunes créateurs anglais, Sam Bompas et Harry Parr, qui font fureur ces jours-ci à Londres.

Au départ, rien ne prédestinait les deux hommes à jouer ainsi dans la gélatine. Le premier, diplômé en géographie, a d'abord tenté de se lancer en affaires en ouvrant une agence d'escortes. Fiasco. Le second, diplômé en architecture, aurait sans doute fait fortune avec ses croquis. Seulement voilà, les deux copains d'enfance ont voulu autre chose: «Nous voulions faire quelque chose autour du Borough Market de Londres, l'incontournable destination bouffe ici, explique Sam Bompas, qui mange du Jello même au petit-déjeuner. On s'est dit qu'il serait charmant d'offrir des desserts légers, et le Jello, ça nous a semblé d'une évidence! C'est l'une des seules choses dans l'histoire culinaire du pays qu'on a réussi à mieux faire que les Français!»

Le marché en question n'a rien voulu savoir de leur projet. Qu'à cela ne tienne, les deux amis ont plongé dans l'aventure à leur compte, et ne cessent depuis de multiplier les créations et les expériences culinaires, repoussant sans cesse les frontières entre science, cuisine et oeuvres d'art. Et ce, en toute humilité. «Non, je ne me considère pas du tout comme un artiste, rétorque Sam Bompas. Je suis un marchand de Jello.»

Un marchand de Jello, certes, mais aussi un créateur «de manifestations culinaires spectaculaires», précise-t-il sur son site web. «Tout ce qu'on veut, c'est que les gens s'amusent.» Car créer une reproduction de la cathédrale Saint-Paul de Londres, du pont du Millenium, ou encore de l'aéroport de Madrid, cela fait du bruit. Encore plus de bruit quand on est invité par les plus grands chefs en ville - notamment Heston Blumenthal, l'un des meilleurs chefs du Royaume-Uni - à concocter un dessert, ou encore quand on incite les plus grands noms de l'architecture du pays à soumettre des projets de moules à Jello, pour réaliser des pièces toutes plus folles les unes que les autres. Oui, cela fait du bruit, et aussi des dégâts. Car apparemment, comme le veut la tradition, à chaque manifestation, à 23h, quand les amateurs ont fini d'admirer et de déguster, le Jello devient tout à coup l'objet de gargantuesques food fights - guerres de bouffe en bon français - mémorables, dit-on.

Bref, toujours est-il que nos deux fous de Jello, conjuguant leurs talents - l'architecture et les relations publiques -, ont aussi fait appel à un chimiste pour réaliser un Jello fluorescent, ou encore un cocktail volatil (au sens propre). Mais on s'éloigne ici du Jello. Il faut dire que les deux comparses aiment visiblement faire des expériences autour de la nourriture, comme en témoigne leur dernier banquet noir (littéralement: black banquet), ou encore leur concours de construction architecturale du plus grand bol à punch au monde. À quand une petite visite à Montréal?