La Cité de la musique à Paris accueille à partir de vendredi et jusqu'au 17 janvier l'exposition We Want Miles, qui cerne les multiples facettes de Miles Davis, trompettiste lumineux qui a révolutionné l'art du jazz, des années bop aux années funk.

«We Want Miles (titre d'un de ses albums) résonne comme un appel et un désir», déclare à l'AFP Vincent Bessières, commissaire de l'exposition. «Un appel à redécouvrir la musique de cet artiste, le désir de cerner ce personnage qui est LA grande légende du jazz, charismatique, très ambigu, dont la complexité est liée à une ambition personnelle très forte».

D'emblée le tempo est donné: la première salle plonge le visiteur dans le noir, où est diffusée la voix, caractéristique et brisée, de Miles Davis, avec son image, en train de jouer, projetée en boucle sur des écrans.

La suite est une succession d'espaces, correspondant à autant de périodes de Miles Davis, qui a changé plusieurs fois la face du jazz, joué avec des centaines de musiciens, de Charlie Parker à Marcus Miller, s'est entouré des plus grands arrangeurs (Gil Evans).

Les quelque 500 pièces exposées (photos, films, dessins, peintures de Jean-Michel Basquiat et de Miles Davis, partitions manuscrites, pochettes de disques, instruments, etc.) sont là pour illustrer et servir la musique, au centre de l'exposition.

«Ces objets sont des éléments d'explication et de contextualisation de sa musique», insiste Vincent Bessières. Ainsi, les photos projetées sur écran géant dans chaque espace doivent susciter l'envie d'écouter les musiques correspondantes dans des salons, appelés sourdines en référence aux sourdines que Miles utilisa.

Le rez-de-chaussée, tout en bleu-nuit, est consacré au Miles acoustique, de l'arrivée à New York en 1944 jusqu'à 1967, une période marquée par l'enregistrement de Kind of Blue en 1959, disque le plus vendu de l'histoire du jazz.

Au sous-sol, place au Miles électrique et psychédélique. En 1968, alors que le jazz subit de plein fouet la déferlante rock, le musicien trouve une troisième voix, celle du jazz électrifié, dont In a Silent Way est l'oeuvre fondatrice.

Jusqu'en 1974, avant son retrait pour raisons de santé, il élabore une musique abstraite, entre jazz, rock, funk, lors de jam sessions mémorables. Les tenues éclatantes, les lunettes teintées panoramiques, les pantalons «pattes d'eph», remplacent les costumes en flanelle des années cool.

L'espace consacré à ces années où Miles Davis est un symbole du réveil de la conscience noire, est décorée des peintures psychédéliques de Marti Karwein ou des dessins colorés de Corky McCoy, qui caricature la black attitude des ghettos.

Un couloir sombre, signifiant la longue disparition de Miles Davis, débouche sur la dernière salle, celle des années 80 où le «sphinx» renaissant met en scène sa propre légende et devient la première pop star planétaire du jazz en s'orientant de plus en plus vers l'électro-funk et la pop.

We Want Miles évoque aussi le lien particulier entre le trompettiste et Paris: le premier concert à la Salle Pleyel et la fulgurante histoire d'amour avec Juliette Gréco en 1949, l'enregistrement en une nuit de 1957 de la musique du film Ascenseur pour l'échafaud...

Vient enfin une sorte de mémorial où est projeté le concert du 4 juillet 1991 sur le parvis de la Grande halle de la Villette, juste à côté de la Cité de la musique, quelques semaines avant sa disparition.