Peintre de génie, Vincent Van Gogh était aussi un homme de lettres, selon les chercheurs néerlandais qui ont examiné à la loupe son abondante correspondance, exposée à Amsterdam et contredisant le mythe de l'artiste «fou, miséreux et méconnu».

«Van Gogh était un héros de l'art moderne. Mais il a aussi produit un monument littéraire», souligne Axel Rüger, le directeur du musée Van Gogh d'Amsterdam, qui expose à partir de vendredi 120 lettres de l'artiste.

Les 902 lettres envoyées et reçues par l'artiste entre 1872 et 1890, année de son suicide à 37 ans, viennent d'être publiées dans un ouvrage en six volumes et sur internet, après avoir fait l'objet de quinze années d'une analyse minutieuse et inédite.

Cent vingt de ses missives, rarement montrées au public en raison de leur fragilité, sont présentées jusqu'au 3 janvier 2010, à côté des tableaux qu'elles évoquent, comme Les mangeurs de pommes de terre ou Le semeur.

«C'est de la littérature», s'enthousiasme l'un des chercheurs du musée Van Gogh, Hans Luijten. «L'écriture est stylisée et réfléchie: c'était un très bon écrivain», assure-t-il à l'AFP.

Les chercheurs du musée et ceux de l'Institut Huygens de l'Académie royale néerlandaise des sciences ont réussi à mettre un nom sur la quasi totalité des deux mille livres, tableaux et objets d'art mentionnés dans les missives.

Leur analyse a permis de dégager une image plus nuancée de l'artiste. «Je crains qu'un mythe ne s'effondre : Van Gogh n'était pas un génie fou, miséreux et méconnu», assure Hans Luijten.

Le peintre néerlandais était reconnu par ses pairs, souligne-t-il, et «au cours des dix dernières années de sa vie, son frère lui envoyait 200 francs par mois, alors qu'un facteur à la tête d'une famille nombreuse n'en gagnait que 135», affirme Hans Luijten.

L'artiste «savait ce qu'il faisait», renchérit la chercheuse Nienke Bakker: «c'était un homme passionné, volontaire, très déterminé et profond».

L'art et la littérature sont les thèmes prépondérants des 819 lettres rédigées en néerlandais puis en français et adressées surtout à son frère, le marchand d'art Theo Van Gogh, mais aussi à ses amis, les peintres Paul Gauguin et Émile Bernard.

«Il les tient au courant de l'évolution de sa peinture au moyen de croquis et de descriptions de ses toiles. Il parle de sa conception de l'art, qui doit selon lui révéler la poésie dans la prose de la vie», explique M. Luijten. «Il confie aussi ses pensées ou raconte des anecdotes».

Contrairement à d'autres artistes, Vincent Van Gogh n'érigeait pas de barrière entre peinture et littérature, souligne le directeur du musée, Axel Rüger.

«Il y a tant de gens, surtout parmi nos amis, qui pensent que les mots ne représentent rien. Au contraire, n'est-ce pas, il est tout aussi intéressant et tout aussi difficile de bien dire quelque chose que de bien peindre quelque chose», écrivait-il à son «cher copain Bernard», le 19 avril 1888, dans un français hésitant.

L'ouvrage de 2130 pages, Van Gogh - Les Lettres. Édition critique complète illustrée, publié en anglais, français et néerlandais, est consultable gratuitement, en anglais, sur internet (www.vangoghletters.com).