Artistes et collectionneurs d'art victimes de la crise économique aux États-Unis hypothèquent de plus en plus leurs oeuvres pour obtenir des liquidités, au risque de perdre, pour certains, le travail de toute une vie.

En ces temps difficiles où les crédits bancaires deviennent de plus en plus durs à obtenir, cette vieille toile de maître qui prenait la poussière au fond du grenier ou cette gravure d'Andy Warhol oubliée prennent soudain une importance particulière...«Les gens ont déjà hypothéqué leur maison, alors ils se tournent vers d'autres types de biens: ce qu'il y a sur leurs murs», explique Meghan Carleton, une conseillère de cabinet Art Finance Partners. Cette entreprise, située au septième étage d'un gratte-ciel art déco de New York, est l'un des quelques prêteurs spécialisés dans cette branche relativement confidentielle du marché de l'art.

La clientèle qu'on y croise est variée et compte aussi bien de riches collectionneurs que des galeries d'art ou des musées, en passant par les artistes eux-mêmes.

«Les gens sont endettés parce qu'ils ont des perceptions erronées d'eux-mêmes, de l'argent et de leur relation avec l'argent», explique Jerrold Mundis, un conseiller financier qui aide des célébrités à gérer leurs dettes.

Le montant des prêts accordés par Art Finance est limité à la moitié de la valeur des oeuvres gagées, qui sont conservées par l'entreprise pendant la durée du prêt. Les intérêts sont élevés: entre 12 et 18 %.

Depuis l'automne dernier et l'emballement de la crise économique aux États-Unis, l'activité de l'entreprise a doublé. Les clients se bousculent, apportant sous le bras tableaux et autres antiquités.

Un autre prêteur basé à New York, Emigrant Bank Fine Art Finance, s'enorgueillit même de n'avoir que des clients dont les oeuvres atteignent au moins deux millions de dollars. Dans la plupart des cas, ils pourront récupérer leurs biens avant l'échéance de leur prêt, limité à 20 ans.

Mais l'affaire tourne parfois au vinaigre. La photographe new-yorkaise Annie Leibovitz avait ainsi jusqu'à la semaine dernière pour rembourser un prêt de 24 millions de dollars contracté auprès d'Art Capital en décembre 2008.

Outre ses archives photographiques estimées à 50 millions de dollars, selon le New York Times, elle a hypothéqué sa maison qui occupe tout un coin de rue dans Greenwich Village ainsi qu'une résidence secondaire à Rhinebeck, au nord de New York.

Elle a finalement trouvé vendredi un accord in extremis avec ses créanciers, qui ont restructuré sa dette.

Autre exemple: la célèbre collectionneuse d'art Veronica Hearst, qui avait hypothéqué quelques-unes de ses oeuvres les plus chères pour obtenir un prêt et tenter de sauver sa villa de... 52 pièces à Manalapan, en Floride. En vain. Deux portraits du maître flamand Pierre Paul Rubens figureraient parmi les biens gagés.

Si elles sont en augmentation, ces pratiques ne sont pas nouvelles: les artistes ont de tout temps misé sur leurs propres oeuvres, ne serait-ce que pour acheter leurs propres outils de travail.

La légende de la musique folk Buffy Sainte-Marie vendit ainsi sa chanson Universal Legend pour un dollar, avant d'en racheter les droits, dix ans plus tard, pour 25 000 dollars.

D'autres ont eu plus de réussite: la rock-star David Bowie a ainsi cédé en 1997 les revenus générés sur 10 ans par ses 25 premiers albums pour 55 millions de dollars.