Une boîte de cigares. Un sac d'épicerie. Une bouteille de bière. Autant de petits objets de tous les jours, quelconques en apparence, qui, pourtant, font aussi partie du patrimoine. Car à leur manière, chacun raconte un petit bout de notre histoire : l'histoire de Montréal.

Comment a commencé monsieur Catelli? Que sont devenus les timbres Gold Star? Vous souvenez- vous du scandale de la bière Dow? C'est cette «petite» histoire de la ville que propose ces jours-ci le Centre d'histoire de Montréal, à travers une exposition originale, tirée de ses archives, riches de pas moins de 4500 objets, tous offerts par de généreux Montréalais. De ce nombre, le musée en a sélectionné 150 pour offrir dans Made in Montréal? un parcours original, qui, quoiqu'anecdotique, n'en demeure pas moins historique. Voici, en vrac, l'histoire de quelques-uns de ces objets tirés de l'exposition.

 

À noter: la recherchiste, Marie Brunette, a eu un mal de chien à retracer l'histoire de certains objets. Si vous connaissez leur parcours, n'hésitez pas, et faites-lui signe! Après tout, c'est grâce aux mémoires individuelles que s'écrit l'histoire.

Cigares Peg Top

Montréal, plaque tournante de l'industrie du tabac? À une certaine époque, oui. Fondée en 1882 par Louis-Ovide Grothé, L-O Grothé, angle Ontario et Saint-Laurent, est alors l'un des gros noms de l'industrie, produisant pas moins de 120marques de cigarettes et de cigares (dont les Peg Top et les Ovido en hommage à Ovide, le fondateur un nom faussement cubain). Quelque 700 employés y travaillent. En 1942, la boîte est rachetée par un certain Imperial Tobacco...

 

Le gramophone Émile Berliner

C'est grâce à un banal conflit de droits que le premier gramophone, l'ancêtre du tourne-disque, est commercialisé ici même, à Montréal. En effet, l'Allemand Émile Berliner, résidant américain, ne pouvant pas commercialiser son invention aux États-Unis (question de droits, Thomas Edison venant d'inventer son phonographe), est contraint de s'établir ici, où il ouvre notamment une usine à Saint-Henri, un studio d'enregistrement, et même un magasin rue Sainte-Catherine, pour finalement vendre sa machine. Mais après un bref séjour à Montréal, l'entreprise est rachetée, deux fois plutôt qu'une, par des noms américains, puis ramenée au bercail, par une compagnie allemande.

Photo: François Roy, La Presse

Dow

Brassée à Québec, la Dow est commercialisée à Montréal dès 1818. Dans les années 60, c'est une des bières tablettes les plus populaires en ville. En mars 1966 éclate un scandale auquel elle ne survivra pas : une quinzaine d'hommes, tous de (très) gros buveurs de Dow, meurent d'un arrêt cardiaque. Même si le lien entre les décès et la bière n'est jamais démontré hors de tout doute, l'usine, pour rassurer ses consommateurs, décide d'en déverser 500 000 gallons dans le Saint- Laurent. À ce jour, cette histoire est encore citée dans les classes des HEC, à titre d'exemple à ne pas suivre en cas de gestion de crise.

Photo: François Roy, La Presse

Magasins Steinberg

Ida Roth Steinberg, immigrante hongroise, ouvre, en 1917, une petite épicerie sur le boulevard Saint-Laurent. On raconte que son mari, père de ses six enfants, juif et fervent pratiquant, ne ramène pas suffisamment d'argent pour nourrir la famille. La dame est, à l'époque, l'une des seules femmes entrepreneures au pays. Elle est morte en 1942 et c'est à un de ses fils que l'on doit l'empire Steinberg, riche, au plus fort de son succès dans les années 80, de quelque 300 magasins. Une chicane de famille entraînera sa disparition, en 1989.

Photo: François Roy, La Presse

Bouteille de 7 Up

Dans les années 60, une usine de Ville Mont-Royal fabrique des bouteilles pour le géant 7 Up, de Saint-Louis, Missouri. C'est ici qu'en 1968 se déroule une grande manifestation (avec, parmi les marcheurs, Robert Cliche, René Lévesque et Pierre Bourgault) pour protester contre l'entreprise, laquelle refuse de reconnaître son syndicat. La marche se terminera dans le désordre, des membres du FLQ s'y mêlant en lançant des cocktails Molotov. Bilan : plusieurs blessés, et des dizaines d'arrestations.

Pâtes Catelli

Dès 1867, Carlo Oronato Catelli, jeune immigrant italien, roule ses propres macaronis et vermicelles à lamain, dans une petite usine de la rue Saint-Paul, la première du genre au pays. Ce n'est qu'en 1939 qu'il déplace l'industrie rue Notre-Dame, dans sa manufacture actuelle. Mais si le bâtiment existe toujours, la marque appartient désormais à une grande multinationale américaine: New World Pasta.

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Made in Montréal?, au Centre d'histoire de Montréal, jusqu'en mars 2011.