On n'aura jamais vu autant de Rembrandt rassemblés: tous les tableaux du maître hollandais, 317 au total, sont réunis à Amsterdam pour une exposition de ... photographies. Il s'agit en effet de reproductions. Autre particularité de l'accrochage: les oeuvres ne sont pas représentées dans leur état actuel, marqué par le temps, mais telles qu'elles devaient paraître au sortir de l'atelier.

Le procédé fait déjà débat - une exposition de posters! Mais son initiateur Ernst van de Wetering défend avec enthousiasme «L'intégrale Rembrandt, grandeur nature», qui s'ouvre dimanche à l'ancienne Bourse d'Amsterdam.Il aurait été impossible de regrouper en un même lieu l'ensemble des Rembrandt, dispersés aujourd'hui à travers plus de 100 musées et collections privées à travers le monde. Grâce à la photographie numérique, sont reproduits en haute définition tous les tableaux du maître connus à ce jour, ainsi que 285 gravures et plus d'une centaine de dessins.

La technologie a en outre été mise à contribution pour redonner aux oeuvres un peu de leur lustre d'antan. Des pans de toile ou des panneaux de bois qui avaient été découpés et séparés ont été recollés. Les couleurs qui avaient terni ont été ravivées. Les détails engloutis par des pigments vieillissants ont été mis au jour.

A la tête du Projet de recherche Rembrandt, constitué en 1968 pour distinguer les authentiques des copies, Ernst van de Wetering examine depuis plus de 40 ans des oeuvres du maître à la loupe, au microscope et aux rayons X. Il assure qu'avec les reproductions numériques, il a découvert des détails qui lui avaient jusqu'alors échappé. «J'ai eu des surprises», confie-t-il.

Ernst van de Wetering sait exactement quels types de bois Rembrandt utilisait pour ses panneaux, quelles trames il choisissait pour ses toiles et quels pigments il y appliquait. Avec ces données, et les copies réalisées par les élèves du maître à l'époque, il a pu reconstituer des oeuvres comme «La Ronde de Nuit».

Ce tableau, l'un des plus célèbres de Rembrandt, est dans un état de «ruine», à ses yeux. «C'est une épave», considère Ernst van de Wetering.

L'exposition présente donc «La Ronde de Nuit» telle qu'elle figure sur les cimaises du Rijksmuseum, au côté d'une reconstitution de sa version originelle. Lorsqu'il réalise ce portrait de groupe d'une milice d'Amsterdam en 1642, Rembrandt décentre les deux personnages principaux pour créer une impression de mouvement. Au fil des ans, la toile géante a été coupée de tous côtés, davantage sur la gauche, si bien que ces personnages se sont retrouvés au beau milieu du tableau, ôtant tout élan à la composition.

L'artiste Gerrit Lundens a peint une copie réduite de «La Ronde de Nuit» seulement sept ans après son achèvement. Non seulement sa version comporte les parties amputées -dont deux figures à gauche qui avaient disparu- mais les couleurs sont aussi mieux conservées car la reproduction avait été peinte sur bois.

Cette exposition, qui durera jusqu'à début septembre, relance un débat né il y a trois ans. Pour le 400e anniversaire de la naissance de Rembrandt, avaient été présentées des photographies de 290 de ses oeuvres, dont certaines étaient de mauvaise qualité.

En 2006, Axel Ruger, le directeur du musée Van Gogh d'Amsterdam, avait vivement critiqué ce projet: «les reproductions ne peuvent en aucun cas traduire la merveilleuse qualité tridimensionnelle des surfaces peintes de Rembrandt», avait-il estimé.

Plutôt que de tenter d'étouffer la controverse, Ernst van de Wetering a publié les remarques d'Axel Ruger en guise d'épilogue du catalogue de l'exposition. Il rappelle toutefois que Rembrandt lui-même réalisait des copies. «Mais les copies qu'il faisait de ses oeuvres étaient bien pires que les nôtres».