L'été sera pluriel au MAC. Quatre artistes fort différents y sont présentés: Robert Polidori, Betty Goodwin, Christine Davis et Spring Hurlbut. Ils partagent toutefois des préoccupations communes sur la condition humaine, le temps et la mémoire.

Qu'ils montrent des lieux défraîchis, des berceaux vides, des vêtements usés ou un extrait de film centenaire, les artistes Robert Polidori, Spring Hurlbut, Betty Goodwin et Christine Davis nous parlent tous du temps qui passe, ou plutôt des êtres humains et des choses qui passent avec le temps.  

La nuance est importante. Les rares figures humaines présentes dans les pièces de ces quatre créateurs fort différents surprennent. C'est l'absence d'humanité dont il est question ici. Même si une beauté étrange se dégage des oeuvres, elles nous offrent surtout le spectacle de la désolation, du vide, de la froideur du métal et du numérique.

Une exposition (ultra) lucide mais, en filigrane aussi, sur la survivance.

 

Robert Polidori

Photographie

Né à Montréal, vivant à New York, Robert Polidori est un véritable citoyen du monde. Partout où son appareil passe, il capte l'effet des désastres naturels, ce qui inclut autant les problèmes causés par l'homme, les ouragans, le nucléaire, les inondations ou le simple passage du temps sur les lieux de vie et de travail.

 

Le bilan du MAC couvre 25 années de la carrière de cet humaniste dont l'appareil photo pose des questions pendant que la résultante, l'image, offre une réponse sur l'histoire, la mémoire, les petits et grands drames humains dans des lieux comme Versailles, Tchernobyl, Beyrouth et La Nouvelle-Orléans.

 

«Nous vivons dans une conjoncture où l'histoire va plus vite que l'être humain», se désole le photographe.

 

Maniant subtilement la profondeur de champ et le détail, la lumière et la couleur, ses 59 photographies attisent l'imagination, frôlant parfois l'insupportable. Elles valent à elles seules le détour.

 

Christine Davis

Multimédia

Christine Davis fait partie des rares artistes qui concentrent leur travail sur le processus de projection des images, qu'elles soient en mouvement ou non. La nouvelle installation Did I Love a Dream?, qu'elle a préparée pour le MAC, présente un projecteur diffusant à rebours une chorégraphie de la pionnière de la danse moderne, Loïe Fuller, sur un écran de cuivre. Le résultat est envoûtant.

 

L'incandescente sensualité qui s'en dégage s'oppose toutefois au rythme mathématique, froid, presque violent de Satellite Ballet (for Loïe Fuller). À l'aide d'une douzaine d'iPod Touch, l'artiste relie les révolutions industrielle et technologique, toujours avec Loïe Fuller comme fil conducteur. C'est bien de la nature féminine versus l'intellect masculin qu'il est question ici.

 

Mme Davis utilise également des textes du poète Stéphane Mallarmé et du mathématicien grec Euclide pour montrer l'abysse qui sépare les uns des autres. Mais son savant travail sait relier les incompatibles apparents, quelque part entre la connaissance et l'émotion.

 

Spring Hurlbut

Installation

 

Le MAC a eu la bonne idée d'acquérir récemment Le Jardin du sommeil de la Torontoise Spring Hurlbut. L'installation comprend 140 lits d'enfant en métal, provenant de France et du Québec, dont plusieurs ont plus de 100 ans. Disposés sobrement en rangées, les berceaux vides imposent le silence dans une pièce à l'éclairage diffus.

 

Contrairement à d'autres présentations plus aérées qu'aura connues l'oeuvre depuis sa création en 1998, tout ici est absence, recueillement, mémoire. Impressionnant.

 

Betty Goodwin

Multidisciplinaire

 

Idée pertinente du MAC de revenir sur la carrière de Betty Goodwin, qui nous a quittés en décembre dernier, avec une exposition hommage regroupant une quarantaine d'oeuvres, dessins, estampes, peintures, sculptures, installations, parmi les 51 que possède le musée.

 

La première oeuvre présentée, Vest one, date de 1969 et la dernière, Unceasingly, de 2004-2005. On y retrouve des pièces majeures comme Buried Vest (1974), Red Sea (1984) et le Triptyque (1995-2001), regroupant trois oeuvres de trois époques différentes.

Cet hommage donne une très bonne idée de la production de l'artiste pendant 32 ans et, de ce fait, démontre l'acuité du regard des comités d'acquisition du musée au cours de la même période. Avec raison, l'exposition prendra la route dès septembre 2010. Elle se termine le 7 octobre au MAC, tandis que les trois autres expositions prendront fin le 7 septembre prochain.