Les hommes et les femmes ne voient pas les oeuvres d'art de la même manière. Les femmes ont tendance à s'attarder aux détails, alors que les hommes les apprécient avec un coup d'oeil général.

Telles sont les conclusions de biologistes espagnols, qui ont examiné avec un scanner le cerveau de 10 femmes et 10 hommes pendant qu'ils observaient 200 tableaux et 200 photographies. Chez les femmes, les deux moitiés du cerveau étaient utilisées, alors que les hommes se servaient surtout de la moitié droite, associée à l'«attention visuelle globale». La moitié gauche du cerveau est sollicitée quand on porte une attention particulière à un objet ou à une section de notre champ visuel.

«Beaucoup d'études ont tenté d'identifier les différences d'appréciation artisitique entre les hommes et les femmes», explique l'auteur principal de l'étude publiée dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences, Camilo Cela-Conde, de l'Université des îles Baléares à Majorque. «Nous sommes les premiers à utiliser l'imagerie médicale pour mieux comprendre ces différences.»

Par le passé, des études ont conclu que les femmes préfèrent les courbes douces aux angles bien définis, par exemple les impressionnistes ou le rococo, alors que les hommes privilégient les peintures de la renaissance et les cubistes, avec leurs lignes nettes. Cette conclusion fait penser à la popularité des Nénuphars de Monet parmi la gent féminine.

Dans l'expérience espagnole, les cobayes - des étudiants en neurobiologie - regardaient par exemple la toile Paysage de Capri, de Francisco Pradilla Ortiz (fin XIXe siècle), qui représente des villas à flanc de montagne avec des portes et des fenêtres noires, avec quelques arbres autour. Il s'agit donc d'une oeuvre où l'oeil peut s'attarder à certains détails. Les participants ne devaient pas décrire les oeuvres, simplement les observer en silence.

Selon le biologiste majorquais, la différence entre les hommes et les femmes est issue de modifications neurogénétiques survenues après le passage définitif du singe à l'homme intelligent, et donc n'est probablement pas présente chez les autres mammifères. «Les zones du cerveau étaient activées après un petit délai, 300 millisecondes, dit M. Cela-Conde. Cela signifie que l'oeuvre d'art était évaluée par des zones du cerveau supérieures, qui n'existent que depuis l'homo sapiens.»

Deux hypothèses permettent d'expliquer cette différence neurologique, selon M. Cela-Conde. Il est possible que les femmes associent les images à des mots davantage que les hommes, ce qui nécessite une forte activité du côté gauche du cerveau.

Les femmes ont, d'une manière générale, plus de capacités verbales et langagières que les hommes.

Il peut aussi s'agir d'une autre manifestation d'une différence atavique souvent démontrée par des expériences: d'une manière générale, les hommes sont meilleurs pour l'orientation selon les points cardinaux, alors que les femmes vont davantage retenir des détails en apparence anodins, mais qui sont très utiles quand vient le temps de retrouver des clés perdues. L'équipe espagnole penche pour cette seconde explication, et estime qu'il s'agit d'une spécialisation remontant à l'époque des premières sociétés humaines, quand les hommes chassaient et que les femmes cueillaient des plantes.

La chasse nécessite de parcourir de longues distances, et donc de solides capacités d'orientation selon les points cardinaux. La cueillette, au contraire, nécessite de se souvenir des endroits où poussent certaines plantes - par exemple, sous un arbre tordu, ou à gauche d'une colline.