Couleur, provocation et humour, ces trois termes trouvent parfaitement leur sens dans la rétrospective consacrée à Maria Lassnig, artiste autrichienne nonagénaire devenue référence dans le monde de l'art contemporain, ouverte jeudi au MUMOK, le musée d'art moderne de Vienne.

L'oeuvre choisie pour l'affiche de l'exposition donne le ton: une femme âgée nue tenant une arme dans chaque main, l'une est pointée sur sa tempe et l'autre vise le visiteur : Toi ou moi...

Le titre de la rétrospective «la neuvième décennie» veut rendre hommage à son âge respectable. Maria Lassnig aura 90 ans en septembre prochain.

Connue pour sa haine des journalistes, elle n'a pas fait le déplacement jeudi matin pour la conférence de presse d'ouverture, officiellement pour cause de maladie. En revanche elle a fait une apparition dans la soirée au vernissage en avouant, en français : «Je me sens beaucoup mieux quand je suis seule, dans ma solitude».

Maria Lassnig entre à 22 ans à l'Académie des beaux-arts de Vienne. Elle voyage beaucoup, vivra à Paris où elle rencontre André Breton, Paul Celan ou encore Benjamin Péret, puis New York pour y travailler et exposer. «On peut dire qu'elle a eu une carrière internationale», commente le directeur du musée, Edelbert Köb.

Mais aujourd'hui, ce sont plutôt ses oeuvres qui voyagent avec des expositions à Londres, Zurich, Paris, Hambourg, New-York. «Depuis 10 ans elle est partout», s'exclame-t-il.

Partout, la critique la salue. «Ici à Vienne c'est la troisième rétrospective que nous organisons», précise fièrement le directeur.

Au total, 61 tableaux, tous plus farfelus les uns que les autres sont visibles dans une grande salle très claire.

Artiste engagée, Lassnig, aborde tous les sujets : celui de l'enfant-soldat ou celui de la fin de vie avec Hôpital montrant la douleur des personnes âgées alitées. Féministe de la première heure, elle évoque également régulièrement le thème de l'égalité homme-femme.

Avec une attirance particulière pour l'autoportrait, elle ne se couche cependant jamais seule sur la toile, mais accompagnée d'un oiseau, un chat ou un singe.

«Sa peinture est plus concrète qu'il y a dix ans lors de la dernière rétrospective», analyse le directeur des collections du musée Wolfgang Drechsler. Elle a pourtant maintenu sa technique et son style : huile sur toile avec des couleurs vives et des traits en mouvements.

L'oeuvre de Maria Lassnig a déjà été récompensée par bon nombre de prix internationaux comme le prix Oskar Kokoschka ou le prix Roswitha Haftmann (Suisse).

Dans son pays natal, elle a été la première femme détentrice, depuis 1980, d'une chaire de professeur à l'École d'art appliqué de Vienne. Plus récemment, en 2003, elle a représenté l'Autriche à la première Biennale artistique de Pékin.

Toutefois «pour connaître Lassnig, il faut bien connaître l'art contemporain», souligne M. Drechsler en espérant que cette exposition va remédier à cette lacune du public.

Au MuMok, dont l'architecture très moderne contraste avec le baroque des anciennes écuries impériales de Vienne transformées en Museum Quartier, son directeur est ravi d'accueillir Maria Lassnig. «C'est plus qu'une rétrospective, c'est un hommage», conclut-il avec émotion.