Mais oui, c'est vrai, les jambes du cheval sur la célèbre toile Meneur de cheval nu de Pablo Picasso sont bel et bien dans la même position, quoiqu'inversée, que celle du cheval qu'a peint El Greco dans son tableau Saint Martin partageant son manteau avec un pauvre! Tiens, les corps du meneur et du pauvre ont aussi quasi la même attitude!

Voilà le genre de réflexions qu'on se fait tout le long de la visite de la grande exposition Picasso et les maîtres, au Grand Palais de Paris. Jusqu'au 2 février 2009, le Tout-Paris et, semble-t-il, tous les touristes de la Ville lumière se pressent dans les Galeries nationales du Grand Palais pour y voir des dizaines de toiles de Picasso aux côtés de dizaines de tableaux de peintres qui l'ont inspiré : El Greco, Ingres, Vélasquez, Manet, Goya, Chardin, Poussin, Renoir, Cézanne... Articulée autour de 10 salles aménagées chacune autour d'une thématique et réunissant plus de 210 oeuvres, la visite est proprement fascinante.

 

Tenez, dans cet autoportrait Yo, Picasso (1901), Picasso se peint avec la palette à la main, lui qui n'utilisait pratiquement jamais de palette, mais plutôt un dessus de chaise, une planche, en fait, n'importe quoi plutôt qu'une palette. Oui, mais aussi bien El Greco que Gauguin se représenteront, eux, avec une palette dans leurs autoportraits, l'épaule droite tournée vers le fond de la toile... Pablo fera donc de même.

Cette première salle, remplie d'autoportraits de Picasso, mais aussi d'Ingres, Delacroix, Van Gogh, Goya et bien d'autres - le peintre espagnol reprenant ici telle pose et là tel costume de l'un ou l'autre de ces maîtres - plonge tout de suite le visiteur dans le vif de l'expo: Picasso était à la fois iconoclaste et classique. Iconoclaste parce qu'il s'est plu, tout au long de sa vie, à déconstruire ce que ses prédécesseurs avaient fait; classique, parce qu'il a pour cela suivi la méthode enseignée depuis des siècles, c'est-à-dire pasticher les maîtres pour mieux maîtriser son art.

Au fil des salles, on suivra cette incroyable démarche, extrêmement foisonnante, déclinée sur les thèmes du modèle, des couleurs, des figures, des grands nus, des natures mortes (une salle qui m'a littéralement estomaquée, moi qui suis plutôt fermée à la nature morte... Mais comment résister à tous ces Ingres?), etc.

La salle 6, intitulée Variations, est particulièrement remarquable: attristé par la mort de son ami Matisse en 1954, Picasso va se plonger dans la réalisation de tableaux et gravures inspirés notamment de L'enlèvement des Sabines de David et Les Ménines de Vélasquez. Comme dans les autres salles, quasi tous les tableaux originaux ayant servi d'inspiration sont accrochés aux côtés des oeuvres de Pablo. On ne saurait trop recommander la location de l'audioguide (5 euros, soit 8,50 $), qui permet réellement d'apprécier les parallèles entre Picasso et les grands peintres qui l'ont inspiré.

Outre cette gigantesque exposition, deux autres plus petites abordent elles aussi le thème de Picasso et les maîtres, à Paris: le Louvre a réuni des toiles du fameux Espagnol autour des Femmes d'Alger de Delacroix et le Musée d'Orsay a fait de même avec le Déjeuner sur l'herbe de Manet.

Inutile de préciser que les foules et les files sont énormes. Quelques trucs? Réserver son billet (12 euros, environ 20 $, gratuit pour les moins de 13 ans; 20 euros pour voir les trois expos dans la même journée) soit par internet, soit par téléphone ou l'acheter d'avance dans les grands magasins et magasins de disques à Paris: avec un tel billet, l'attente se limite à environ une demi-heure. On peut même procéder à ce qui s'appelle la «réservation dernière minute»: on télécharge sur son cellulaire ou sur son imprimante maison son billet, s'il en reste pour le jour même (pour infos, www.rmn.fr/Picasso-et-les-Maitres). Les meilleures heures pour visiter l'expo: le soir (le Grand Palais est ouvert jusqu'à 22h, et jusqu'à 23h du 20 décembre au 4 janvier) et le matin très tôt pendant les vacances (les portes ouvrent à 9h du 20 décembre au 4 janvier). Une suggestion: visiter d'abord l'expo du musée d'Orsay, traverser la Seine pour visiter celle du Louvre et attendre le soir pour la visite du Grand Palais (rappelons qu'il est fermé le mardi). Une autre suggestion: avant d'entreprendre la visite (qui peut prendre deux heures), se payer un petit café au sympathique café-cantine du Grand Palais, s'y reposer les jambes après la file d'attente... et surveiller de là la file au vestiaire (gratuit) pour y déposer son manteau quand il n'y a presque personne. Une dernière suggestion? Si on visite l'expo avant ou après les vacances scolaires de Noël, suivre discrètement les groupes d'enfants qui visitent l'exposition et qui ont droit à de très bons guides...

Picasso et les maîtres jusqu'au 2 février 2009 au Grand Palais, au Louvre et au Musée d'Orsay.

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