La galerie DHC/ART présente jusqu'au 29 mars 2009 Replay, de Christian Marclay. Il s'agit d'une rétrospective de 25 ans de pratique vidéo et audio qui complète admirablement la fièvre automnale rock à Montréal, ayant déjà atteint les Musées d'art contemporain et des beaux-arts.

Christian Marclay se fait son cinéma et sa musique depuis 25 ans même s'il n'est ni cinéaste, ni musicien. Le DJ, compositeur, réalisateur, Américain d'origine, mais Européen d'adoption, est un touche-à-tout, dont la principale qualité est d'oser s'aventurer dans des modes d'expression où il crée ses propres «outils», très souvent avec humour.

«J'ai dû utiliser les moyens du bord pour être en musique. Je ne savais pas jouer d'un instrument, alors j'en ai inventé», d'avouer l'artiste multidisciplinaire en entrevue téléphonique.

En passant à l'acte, il s'autorise tous les pouvoirs. Marclay imite, se montre irrévérencieux, provoque, réfléchit, mais rend, par-dessus tout, hommage à la musique et au cinéma.

Il y a une «violence constructive», décrit-il, dans sa démarche. Sa créativité est celle de quelqu'un qui a voulu dépasser le stade passif de spectateur, ou de consommateur, pour devenir un actant, plutôt qu'un acteur, de la musique et du cinéma.

«Au montage, je coupe l'image et le son en même temps, dit-il. Quand je pige dans le cinéma, les deux sont déjà liés. Je ne veux pas recréer cet artifice. Le son, je le traite comme un ready-made (ou utilisation d'un objet manufacturé comme oeuvre d'art). Dans le fond, je fais de la postpostproduction. J'aime dis-associer.»

L'une de ses plus intéressantes propositions à ce sujet demeure Video Quartet (2002) que l'on prendra plaisir à voir et à revoir. Sur quatre grands écrans, des images de films «musicaux» défilent, dialoguent, s'opposent, se complètent et s'accordent pour former une nouvelle oeuvre musicale.

En résulte un brillant hommage à tous les genres musicaux, les époques, les musiciens - d'Arthur Rubinstein à Elvis Presley en passant par Ella Fitzgerald - et les films qui les ont mis en évidence.

Le spectateur otage

Autre oeuvre fascinante, Crossfire (2007) place le spectateur au centre de quatre écrans montrant des gens armés qui tirent vers l'écran. La pétarade finit par devenir rythme, sans cesser de dérouter, d'inquiéter, de déranger. Un vibrant plaidoyer contre la violence à l'écran.

«Je ne fais pas de l'art politique, mais j'aime faire réfléchir, note Christian Marclay. D'une certaine façon, je suis toujours imprégné de la réalité qui est la nôtre. Dans la situation inconfortable de Crossfire, on est mitraillé, mais je voulais qu'on ressente un peu ce que c'est d'être victime.»

Cet acte de provocation est présent depuis les débuts de l'artiste. Des vidéos comme Fast Music (1982) - où l'artiste bouffe un disque vinyle - et Record Players (1985) - où des gens «jouent» une «musique» faite de manipulations de 33-tours - sont des exemples éloquents.

Plus récent, l'hypnotique Gestures (1999), pourrait représenter une véritable bible pour artiste de la table tournante tant les actions de Marclay à l'écran repoussent les limites de l'imaginable dans la manipulation des disques vinyle.

Mais il sait aussi composer en demi-teintes et en finesse. L'autre oeuvre incontournable de cette exposition est la vidéo silencieuse Mixed Reviews (2001) où un acteur sourd utilise le langage des signes pour «interpréter» des transcriptions de critiques musicales. Mêlant mime, danse et théâtre, la performance, en trois mouvements, passe du mode narratif à l'art abstrait, sans le moindre ennui durant 30 minutes.

Musique

Une salle d'écoute mérite aussi le détour pour apprécier à leur juste valeur les talents musicaux de ce DJ expérimental de la première heure. Une dizaine de remix y sont présentés, tous plus délectables les uns que les autres.

Et en complément de programme, DHC/ART présentera à compter du 14 décembre à la Fonderie Darling le projet annuel de Christian Marclay, intitulé The Sounds of Christmas. Il consiste à inviter des DJ locaux à plonger dans la collection de 1200 disques de Noël de l'artiste pour les remixer en direct.

«J'aime l'idée de faire quelque chose d'intéressant avec cette musique ringarde, dit-il. C'est une performance à l'encontre d'un environnement sonore des Fêtes commercial et insoutenable par lequel on est conditionné de façon passive.»

Replay, de Christian Marclay, à la galerie DHC/ART (451, rue Saint-Jean, Vieux-Montréal) jusqu'au 29 mars 2009.