Plusieurs chemins mènent à Andy Warhol, designer, peintre, sculpteur, photographe, cinéaste, journaliste Le Musée des beaux-arts de Montréal a choisi de prendre le pape du pop art par la bande... musicale. Un autre Warhol vient de naître.

«Somewhere over the rainbow»... En sortant du Musée des beaux-arts de Montréal, hier matin, on était quelques-uns à avoir non pas un verre dans le nez, mais un ver dans l'oreille, vous savez cet air qui vous entre dans la tête, et qui reste planté là des heures et des jours durant.

Cet air-là, c'est celui que chante la jeune Judy Garland dans The Wizard of Oz: Somewhere Over the Rainbow. C'est l'air qui envahit la première salle d'exposition consacrée à Andy Warhol, et qui se répand dans les salles voisines avant de revenir vous hanter à la fin du parcours quand vous l'entendez encore en prenant l'ascenseur vers la sortie.

Judy Garland est la première idole «musicale» d'Andy Warhol, enfant. Plus tard, son amour pour la musique est allé de Bach aux Rolling Stones, en passant par John Cage et Maria Callas, même s'il se défendait d'aimer cette dernière comme on l'apprend dans l'exposition. Musique d'église ou de comédie musicale, musique sérielle ou rock, elle fait partie intégrante de la vie de cet artiste et a eu une grande influence sur son l'ensemble de son oeuvre.

La danse aussi compte dans l'oeuvre du peintre. C'est ce que veut démontrer le Musée des beaux-arts par cette exposition bruyante, Warhol Live, qui met en scène aussi bien les oeuvres visuelles de Warhol ayant des liens avec la musique ou la danse, et leurs vedettes, que les oeuvres musicales qui ont influencé sa vie et son oeuvre. Chaque salle a sa musique. Parfois cacophonique.

L'exposition est rendue possible grâce à Andy Warhol lui-même qui, comme Picasso, conservait tout, y compris ses moitiés de billets d'entrée au théâtre, lesquels permettent aujourd'hui aux historiens de dire que même s'il ne l'avouait pas trop, Warhol aimait l'opéra. Et grâce au musée Warhol de Pittsburgh, la ville où il est né, qui a hérité de quelque 600 000 objets laissés par l'artiste à sa mort en 1988.

Mais la réalisation de l'exposition est le fruit d'un travail d'équipe qui trouve son origine au Musée des beaux-arts de Montréal. Le Musée présente 600 oeuvres et objets: peintures, photos, dessins, revues, films, tickets dans une mise en scène très efficace. Au coeur de l'exposition: une cinquantaine de pochettes de disques signées Warhol appartenant au collectionneur québécois Paul Maréchal.

L'exposition se divise en 10 thèmes, qui nous entraînent dans l'univers de Warhol depuis son amour d'enfant pour le cinéma musical hollywoodien, puis de jeune homme pour la musique classique jusqu'aux extravagances du Studio 54, discothèque avant-gardiste qui accueillait les groupes de musiciens les plus flyés de la scène new-yorkaise dans les années 70. On y reconstitue les moments importants de la vie de l'artiste.

Par exemple, la rencontre de Warhol avec John Cage dans les années 60 quand le compositeur faisait partie du groupe Flexus (de même que Yoko Ono). De John Cage, Warhol adoptera la structure sérielle dans son oeuvre picturale. Exemple à l'appui ici, entre autres: la série de bouteilles de Coca-Cola.

Warhol rencontrera aussi Merce Cunningham, ami de Cage. C'est Warhol qui fera le décor d'un spectacle du chorégraphe. Le décor, des coussins flottant argentés, est reconstitué dans une salle noire entourée de miroirs sur lesquels sont projetées des séquences de ce spectacle. Le visiteur a le droit d'envoyer valser les coussins.

Suit la période de la Silver Factory, de 1964 à 1967, représentée ici par une salle tapissée de papier argenté, comme l'était cet atelier spécial ouvert à tous. On y trouve les boîtes Brillo, un espace cinéma avec divan rose et chaises droites où s'asseoir pour regarder des extraits de films tournés là.

L'atelier sert de studio de répétition au Velvet Underground, un groupe de musiciens autour de Lou Reed, que Warhol a vu dans un bar underground et décidé de le récupérer pour l'inscrire dans un projet d'oeuvre multimédia: l'Exploding Plastic Inevitable qui partira en tournée dans plusieurs villes américaines. On a une petite idée de ce spectacle dans une salle enfermant la musique du Velvet et lançant sur les murs des lumières stroboscopiques énervantes et des diapositives psychédéliques.

Non seulement Warhol se fit-il producteur de spectacles et animateur d'une émission de télé, mais il se lança aussi dans l'édition d'un magazine: Interview, spécialisée dans le cinéma et où les unes sont consacrées aux vedettes de toutes sortes. Mick Jagger en fit cinq fois la couverture. Les liens entre Jagger et Warhol ont droit à une salle où se trouve l'un des plus beaux portraits réalisés par le peintre. Celui du jeune Jagger, dans des couleurs angéliques.

«On n'a toujours pas fait le tour de Warhol», disait hier l'un des commissaires de l'exposition. Il est beaucoup plus complexe qu'il le laissait lui-même paraître. Le MBA a voulu ici sortir Warhol du carcan du Pop Art. On découvre un artiste multiple, prolifique, et, rétroactivement, de plus en plus visionnaire.

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Warhol Live, la musique et la danse dans l'oeuvre d'Andy Warhol, Musée des beaux-arts de Montréal, du 25 septembre au 18 janvier. Ouvert les mardis de 11 h à 17 h; les mercredis, jeudis, vendredis, de 11 h à 21 h; les samedis et dimanches, de 10 h à 17 h. Entrée: 15 $ (adultes). Infos: mbam.qc.ca