Dix ans après La mémoire des anges, documentaire consacré aux années 50 et 60 à Montréal et construit avec des extraits de films de l'ONF, Luc Bourdon replonge dans les archives cinématographiques de l'organisme. Il en ressort avec La part du diable, film couvrant la période 1967-1980 qui, en dépit de son effervescence, n'a pas été vécue sans heurts. Voici six thèmes abordés, avec les commentaires du réalisateur.

FRANCOPHONES ET ANGLOPHONES

« Dans cet extrait d'Un pays sans bon sens de Pierre Perrault, je trouve intéressant que [René] Lévesque nous dise qu'on a le droit à l'erreur. Il nous dit que tous les peuples font des erreurs et que le Québec peut en faire d'aussi belles. C'est une position très humble, très intéressante. Et ça entrecoupe toute l'idée de mon film à l'effet que nous ne sommes pas parfaits. Ça nous donne aussi une bonne indication de l'état du discours nationaliste de l'époque. »

LA MONTÉE DU NATIONALISME

« Dans ce film faisant partie d'une série où le Québec est expliqué au Canada anglais, Tremblay explique les revendications qui se trouvent derrière les bombes [du FLQ] et pourquoi les Québécois voulaient un pays. Michel Tremblay n'est pas un personnage qui, habituellement, nous amène sur le terrain politique. Pour moi, donc, c'était original. Je crois qu'il serait plus nuancé aujourd'hui. »

LA CULTURE POPULAIRE

« Cet extrait du court métrage La vraie vie de Jacques Vallée est une pure joie ! On y voit une famille qui, se retrouvant au camping, se fait livrer des pizzas et des boissons gazeuses. Ça correspond, avec beaucoup d'humour, à la façon dont on mangeait et vivait à l'époque. Il y a tout dans ce plan-là ! Ça dit beaucoup de choses sur la façon dont on prenait des vacances, à un jet de pierre de Montréal et entassés les uns sur les autres. »

LA CONDITION FÉMININE

« C'est un monologue incroyable. La comédienne explique la frustration de la femme au foyer. Elle est tannée d'être reléguée au rang de citoyenne de seconde zone. Elle a un désir de sortir des ménages, des lavages, des repassages et de ne plus être sous le joug de son mari. Elle rêve simplement de gagner un peu sa croûte pour pouvoir être financièrement indépendante. Micheline Lanctôt est incroyable d'authenticité et d'une grande éloquence. »

LES JEUX OLYMPIQUES

« Ça correspond au fil rouge du film. Ce qui tient mon film n'est ni un commentaire ni une chronologie clairement exprimée. C'est une ritournelle remplie de chansons et de musique. J'étais très à l'affût de la musique et des chansons en faisant mon repérage. J'ai ainsi croisé Mouffe, Charlebois, George Dor. Chaque fois, je me disais : "Wow !" »

PAUVRETÉ

« Ça faisait partie d'un corpus de films où l'on voulait aller vers les gens avec des caméras vidéo. L'émergence des groupes communautaires et des associations d'entraide est un pan de notre culture. Pour toutes les bonnes raisons du monde, ces gens ont des revendications. La grande majorité étaient locataires et plusieurs, qui arrivaient des régions, vivaient dans des taudis alors que leurs propriétaires s'en foutaient. »