Ébranlés par les dizaines de dénonciations des derniers jours visant Gilbert Rozon et Éric Salvail, les représentants des travailleurs de l'industrie du spectacle et du divertissement sont déterminés à s'imposer un électrochoc pour que de tels comportements ne soient plus jamais tolérés. Par ailleurs, le Service de police de la Ville de Montréal se pencherait maintenant sur quatre plaintes visant Gilbert Rozon, selon les informations obtenues par La Presse.

D'autres victimes de harcèlement et même d'agressions dans leurs lieux de travail se sont manifestées auprès de leurs associations, ce qui a incité leurs dirigeants à organiser une rencontre au sommet le 30 octobre pour discuter des mesures à prendre pour assainir le milieu.

«Code de déontologie, mécanismes punitifs, protection des dénonciateurs, il faut qu'on revoie tout, a affirmé Alexandre Curzi, président de l'Alliance québécoise des techniciens de l'image et du son (AQTIS). On vient d'entrer dans une nouvelle ère, et j'espère d'importants changements.»

Sept associations patronales et syndicales représentant environ 50 000 personnes participeront à la discussion.

Nouvelles victimes

En 24 heures, une quinzaine de victimes se sont manifestées auprès de l'AQTIS, qui avait publié mercredi un mémo incitant ses membres à dénoncer toute forme de harcèlement.

«Les histoires que j'ai entendues me scient les jambes, a confié M. Curzi. Ça va du petit harcèlement qu'on peut croire anodin jusqu'à des agressions. Je suis estomaqué que les gens n'aient jamais dénoncé ça avant. On n'avait jamais entendu de telles choses et on est étonnés par l'ampleur de ce qui se passe.»

«On a ouvert les vannes d'un barrage et on se trouve au coeur de quelque chose qui va changer cette industrie à tout jamais.»

Même son de cloche à l'Union des artistes (UDA), qui a reçu une dizaine d'appels de victimes, qui auraient dans certains cas eu maille à partir avec Gilbert Rozon et Éric Salvail.

«On les oriente vers notre avocate. Dans certains cas, ça peut justifier des plaintes à la police», indique la présidente, Sophie Prégent. «Mais on se rend compte que les gens veulent surtout dénoncer, pour que ces choses n'arrivent plus, pour éviter qu'il y ait d'autres victimes.»

La comédienne estime que les événements de la semaine ont déjà eu un impact majeur sur les plateaux de tournage et dans les boîtes de production. «Les gens voient ce que Rozon et Salvail ont perdu en si peu de temps, ils vont surveiller leurs comportements», dit-elle.

Travail à la pige = vulnérabilité

Si ces histoires de harcèlement et d'agression qui font grand bruit cette semaine touchent le milieu du spectacle et de la culture, c'est peut-être parce qu'un grand nombre des travailleurs du domaine sont pigistes.

«Ils sont tributaires du prochain contrat, qui dépend du producteur, explique Alexandre Curzi. C'est un petit milieu. Si quelqu'un se plaint, le mot se passe rapidement et cette personne peut voir sa carrière anéantie.»

La vague de dénonciations actuelle permet aux victimes de se sentir quelque peu protégées par l'effet de groupe, avance-t-il. «Avec tout ce qui se passe, ça serait très mal vu que quelqu'un subisse un préjudice parce qu'il a osé dénoncer.»

La rencontre du 30 octobre réunira, du côté syndical, l'AQTIS, l'UDA, l'Association des réalisateurs et réalisatrices du Québec (ARRQ), la Guilde des musiciens et musiciennes du Québec (GMMQ), la Société des auteurs de radio, télévision et cinéma (SARTEC) et, du côté patronal, l'Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo (ADISQ) et l'Association québécoise de la production médiatique (AQPM).