Le procès pour agression sexuelle de l'humoriste et comédien Bill Cosby s'est ouvert lundi à Norristown, en Pennsylvanie, avec un premier témoignage d'une victime présumée, prise par l'émotion à l'évocation de son expérience.

À 79 ans, le créateur et acteur de la série télévisée The Cosby Show, qui en a fait une star mondiale durant les années 80, doit répondre d'accusations d'agression sexuelle devant un jury venu de Pittsburgh.

Elles sont une soixantaine de femmes à avoir mis en cause, ces dernières années, William Henry Cosby Jr, ternissant à jamais une immense carrière de plus de 50 ans.

Mais Andrea Constand, personnage central de ce procès, est la seule pour laquelle les faits ne soient pas prescrits pénalement.

Mme Constand affirme avoir été agressée sexuellement par Bill Cosby début 2004, lors d'une visite au domicile de l'acteur, dans la banlieue de Philadelphie.

Pour parvenir à ses fins, l'humoriste l'aurait incitée à boire du vin et à ingérer des pilules. Le mélange l'aurait rendue, selon elle, incapable de résister.

Interrogé en 2005, Bill Cosby avait reconnu lui avoir donné alcool et pilules, sans lui dire ce qu'elles contenaient, et s'être ensuite livré à des attouchements.

Mais pour lui, il s'agissait d'une relation consentie, l'acteur insistant sur le fait que la jeune femme n'avait, à aucun moment, manifesté sa désapprobation.

En l'absence de témoin et d'élément matériel, tout est désormais suspendu au témoignage de cette Canadienne de 44 ans.

«J'avais peur»

Mais c'est le récit d'une autre victime présumée qu'a entendu le jury lundi après-midi. Admise comme témoin, ses accusations ne font, elles, pas l'objet de poursuites.

En larmes, Kelly Johnson a raconté comment en 1996, selon elle, l'acteur avait insisté pour qu'elle absorbe une pilule et du vin, avant de se livrer à des attouchements, dans le bungalow d'un hôtel californien.

Un parallèle troublant avec les accusations lancées par Andrea Constand.

Assistante de l'agent de Bill Cosby à l'époque, Kelly Johnson a expliqué avoir été «extrêmement intimidée», n'osant pas quitter les lieux.

Après l'incident, l'acteur aurait obtenu son licenciement pour faute professionnelle, selon elle.

Elle a ainsi décrit un Bill Cosby manipulateur, jouant de sa notoriété pour prendre sa victime au piège.

«J'avais un secret concernant la plus grande célébrité au monde, à l'époque», a-t-elle confié. «J'avais peur, très peur».

Le principal avocat de Bill Cosby, Brian McMonagle, a cherché à discréditer ce premier témoignage, accusant Kelly Johnson d'avoir fait évoluer sa version des faits.

Il a cité abondamment des déclarations datant de 1996 et faites dans le cadre d'une procédure contre son employeur, qui contredisent des éléments du récit fait en 2015, lors d'une conférence de presse.

D'après l'avocat, elle y donne notamment une autre date pour l'incident du bungalow (1990), très éloignée de celle donnée en 2015 (1996).

Kelly Johnson a expliqué ne pas se souvenir des déclarations qu'elle avait faites à l'époque.

Le témoignage d'Andrea Constand est, lui, attendu dans les tout prochains jours.

«La confiance, la trahison, et l'incapacité de donner son consentement, voilà en quoi consiste ce dossier», a expliqué l'adjointe du procureur du comté de Montgomery, Kristen Feden, au sujet de celle qui habite désormais Toronto.

«Aujourd'hui, avec votre aide, j'ai l'occasion de réparer une injustice», a dit, pour sa part, au jury Brian McMonagle.

Pour lui, «une accusation infondée» est pire qu'une agression sexuelle.

Plutôt qu'une célébrité, «j'espère que vous verrez seulement un citoyen présumé innocent», a-t-il exhorté.

Très attentif aux débats, Bill Cosby avait tourné sa chaise pour faire face au jury et non au juge.

Lors de la seule interview qu'il ait donnée depuis son inculpation, Bill Cosby a assuré qu'il ne témoignerait pas lors du procès, même si une prise de parole de l'acteur n'est «pas complètement écartée», selon un porte-parole.

La comédienne Keshia Knight Pulliam, qui interpréta l'une des filles de Bill Cosby dans le Cosby Show, était présente pour l'ouverture du procès.

«Je suis venu pour le soutenir parce que c'est ici que vous examinez les faits, ici que la vérité éclate», a-t-elle déclaré à la sortie du tribunal.

Si à l'issue de ce procès, prévu pour durer deux semaines, le jury déclare Bill Cosby coupable d'un ou plusieurs des trois chefs d'accusation, l'acteur pourrait être condamné à passer, au minimum, dix ans derrière les barreaux.

Pour cet homme de 79 ans, cela équivaudrait probablement à finir ses jours en prison, ternissant à jamais son image et sa réputation.

Mais même en cas de relaxe, les accusations devraient le poursuivre jusqu'à la fin de sa vie, d'autres procédures étant encore en cours au civil.

PC

Andrea Constand, en 1987.