«Des huards pour les arts!» Avec ce slogan, scandé par quelques 500 artistes, créateurs et travailleurs rassemblés à la place d'Armes, lundi après-midi, le milieu culturel a exprimé publiquement son mécontentement face au «sous-financement chronique» de l'État pour les arts et lettres au Québec.

Cela faisait longtemps que le milieu artistique, toutes disciplines confondues, s'était rassemblé dans la rue pour manifester. Or, selon les organisateurs, il y a «état d'urgence» : les organismes réclament un «redressement immédiat» des crédits du Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ).

Car le CALQ veut soutenir le fonctionnement d'un plus grand nombre d'organismes artistiques et culturels, environ 25% de plus. Le CALQ fixera en juillet prochain le montant des aides financières accordées pour les quatre prochaines années... sans aucune addition à son budget.

« C'est très bien d'encourager de nouveaux joueurs, dit David Lavoie, co-directeur général du Festival TransAmériques. Mais il faut penser aux artistes établis ou à mi- carrière qui ont aussi besoin de soutien financier. » En résumé, plusieurs intervenants ont peur que le CALQ divise tellement la tarte, qu'au final, on sacrifie nos meilleurs talents.

« C'est déshabiller Paul, pour habiller Jean», illustre Fabienne Cabado, porte-parole du Mouvement pour les arts et les lettres et directrice générale du Regroupement québécois de la danse. « Nous rejetons l'argument voulant que la politique culturelle du Québec soit en révision pour justifier la stagnation dans les aides financières accordées aux programmes du CALQ. Les problèmes du CALQ sont connus depuis longtemps. Ils nécessitent une action urgente. Ses objectifs sont tout simplement impossibles à atteindre», ajoute Mme Cabado.

La fatigue culturelle

À la suite de la publication du budget Leitao, le 28 mars dernier, l'inquiétude a rapidement gagné le milieu culturel. La comédienne Sophie Cadieux a accepté d'être marraine de la manifestation en solidarité pour les travailleurs culturels. «Ces gens qui travaillent dans l'ombre des artistes pour administrer des compagnies et organiser des événements avec de moins en en moins d'argent. Depuis 15 ans, on leur demande de faire toujours plus avec moins», explique l'actrice qui fait aussi partie du Théâtre de la Banquette arrière.

Du côté du directeur artistique d'Espace Libre, Geoffrey Gaguère, estime que la situation a de sérieux impacts sur le fonctionnement des théâtres. Il souligne que le tiers des productions présentées par sa compagnie cette saison n'est pas soutenu par l'État ; «la dernière pièce à l'affiche d'Espace Libre n'a reçu aucune subvention. »

De l'argent neuf

Le porte-parole du Conseil québécois du théâtre dénonce «l'hypocrisie» des politiques qui vantent la vitalité de la création québécoise, ou proclament Montréal métropole culturelle, sans appuyer financièrement la création. « Les critères des subventionneurs sont de plus en plus exigeants, poursuit Gaguère. On doit représenter la diversité culturelle et le fameux vivre ensemble. Or, le gouvernement du Québec semble avoir oublié son caractère structurant.»

En tenant compte de l'inflation, le Mouvement pour les arts et les lettres évalue à « un minimum de 135 millions de dollars les crédits dont les programmes de base du CALQ devraient disposer pour avoir le même effet qu'il y a 10 ans». Ce qui représente un ajout de 40 millions au budget actuel.

Cette manifestation a été organisée conjointement par sept organismes membres du MAL et du CQT. Elle se tenait sous les bureaux montréalais du CALQ, et coïncidait avec une séance d'étude des crédits du ministère de la Culture et des Communications par les députés de l'Assemblée nationale. Les organisateurs de l'événement promettent «d'autres actions privées et publiques en vue d'obtenir le déblocage recherché».