Anne Dorval animera cet été une émission de radio avec Marc Labrèche, le samedi après-midi à ICI Radio-Canada Première. Elle sera aussi de la distribution du Bye bye, le 31 décembre. Elle prête par ailleurs sa voix au personnage principal de Trouver Doris - la suite de Trouver Nemo - en salle vendredi... et tient à rappeler que le poisson-chirurgien bleu qu'elle incarne sera menacé d'extinction si tous les parents en achètent à leurs enfants !

D'habitude, quand on se rencontre, c'est dans une réception au Festival de Cannes...

On n'est tellement pas glamour. C'est-tu plate, notre vie ?

Tu y étais, cette année, mais tu t'es faite discrète...

Xavier [Dolan] m'a demandé de l'accompagner et de le soutenir. Ça me faisait plaisir d'y aller parce que c'est mon ami, mais je n'ai pas fait exprès pour me faire voir sur le tapis rouge. Je suis passée par en arrière.

Même les collègues québécois n'étaient pas au courant de ta présence. Je t'ai aperçue quand Xavier s'est levé pour aller chercher son prix.

J'étais là en catimini, disons. Pour prendre soin de mon ami. Je suis arrivée le jour de la projection et j'ai pensé mourir en avion sur le vol Paris-Nice. Il y avait des vents très violents. L'avion était comme une feuille de papier qui s'en allait dans tous les sens. Il y avait un couple d'Américains à côté de moi qui priait et qui faisait des signes de croix toutes les 15 secondes...

C'est toujours rassurant.

Je me suis mise à pleurer. Il y avait des enfants devant moi qui pleuraient pendant que leurs parents se tenaient la main. Tout le monde était terrorisé. Et j'ai déjà peur en avion ! Je voyais mes enfants. Je voyais Xavier faire la montée des marches. « Son amie est décédée cet après-midi dans un accident d'avion, malheureusement. Mais il monte les marches et il a l'air quand même heureux... »

Il t'aurait dédié son Grand Prix... Tu es devenue une muse. Et pas seulement pour Xavier. Marc Brunet [Les bobos, Le coeur a ses raisons] me disait récemment qu'il écrivait souvent en ayant ta voix en tête...

Je n'ai jamais dit que j'étais la muse de personne !

Mais d'autres l'ont dit.

C'est à eux de le dire ! J'ai fait de très belles rencontres. Des gens avec qui il y a une espèce de connexion immédiate. Parce qu'on a un humour semblable, parce qu'on aime les mêmes choses, parce qu'on est sensibles aux mêmes couleurs, aux mêmes oeuvres d'art. Parce qu'on a des liens qui sont très forts. Au fil des années, tout ça se raffine et fait qu'il y a une partie du travail qui est déjà faite avant même que l'on se mette à travailler.

Tu es un matériau intéressant pour un auteur ?

Je ne sais pas. Pour ces gens-là, peut-être. Parce qu'ils sont un matériau intéressant pour moi aussi. Ils écrivent ce que j'ai envie d'entendre, peut-être. Ils construisent des rôles que j'ai envie de jouer, qui sont très loin de moi. Ils ont compris qu'il est plus facile de jouer des choses qui sont très loin de nous que des choses qui sont trop près de nous. Même s'il y a toujours une part de nous dans ce que l'on fait. C'est notre sensibilité, c'est notre coeur qui parle, c'est ce que l'on observe chez les autres aussi. Ce que l'on retient du genre humain. Et ce n'est pas pour rien que l'on retient telle chose plutôt qu'une autre. C'est parce qu'on y est sensible.

« Muse » semble être un terme qui te gêne...

J'ai de la chance parce que j'explore bien des zones en même temps. J'aime beaucoup faire de la comédie, mais j'aime aussi la tragédie grecque. J'aime jouer du Racine. Je rencontre beaucoup de gens grâce à ça. Et forcément, il y en a avec qui je partage plus d'affinités.

Comme Marc Labrèche...

On va avoir une grosse année !

C'est inspirant et intrigant, mais ça me semble aussi assez casse-gueule comme projets...

Tu parles du Bye bye ou de l'émission de radio ?

Des deux !

Le Bye bye, c'est clair. C'est un casse-gueule naturel, on dirait. Pour tout le monde. Peut-être plus pour moi encore, parce que je n'ai jamais été animatrice, que je n'ai jamais fait de show où j'étais la femme à tout faire...

Ni d'imitations...

J'en ai fait ! J'en fais. Je vais imiter mes amis, mais je n'imite pas des politiciens, ce que Marc a fait, par exemple, à sa façon. Mais pas moi. J'ai failli dire non...

Ah oui ?

Sur le coup, j'ai dit oui parce que j'étais trop excitée. Qui n'a pas rêvé de faire le Bye bye ? Petite, j'étais complètement pâmée devant Dominique Michel et Denise Filiatrault. C'étaient mes idoles. Je me disais : « Peut-être que moi aussi, je pourrai en faire un Bye bye. » On me l'a déjà proposé il y a quelques années, mais c'est tombé à l'eau. Cette fois-ci, j'ai dit oui et je me suis aussitôt demandé pourquoi j'avais accepté. Je ne dormais plus. Je sais que jusqu'à la dernière minute, ça va me rendre malade, cette affaire-là ! Le but, c'est d'y trouver du plaisir. Parce que si je n'en ai pas, personne ne va en avoir !

De le faire avec Marc, ça te met en confiance ?

Bien évidemment. S'il n'avait pas été là, je ne suis pas certaine que j'aurais accepté. Parce que je sais qu'avec lui, il se passe quelque chose. Je ne peux pas l'expliquer moi-même. Ça plaît ou ça ne plaît pas. Il y a des gens qui nous détestent pour les mêmes raisons que d'autres nous aiment. J'en suis très consciente. Mais tout le monde ne me plaît pas et je ne plais pas à tout le monde. C'est normal. Ce qu'on fait, c'est très particulier aussi.

Et à la radio, il faut s'attendre à votre délire habituel ?

Ce n'est pas un délire. C'est comme si quelqu'un venait nous observer.

Jouant des personnages ?

Non. On ne tient pas à faire rire les gens. On ne tient pas à les faire pleurer non plus. C'est comme s'ils n'étaient pas là. En même temps, ce n'est pas « inside ». On va rencontrer des gens qui font des choses qui nous intriguent. Un pilote d'avion - que j'ai rencontré trois jours avant de penser mourir à Nice ! -, un jeune thanatologue fils de thanatologue, comme les Fisher dans Six Feet Under. On va dire des choses sans parfois se rendre compte à quel point c'est personnel, ce qu'on dévoile. On est tellement entre nous qu'on ne s'en rend pas compte. Peut-être qu'en les entendant, on va regretter certaines choses !

Mais ce ne sera pas Les bobos à la radio...

Jamais ! Et là, il va falloir qu'on en revienne des Bobos ! J'en entends dire : « Ils vont faire le Bye bye, est-ce que ça va être Les bobos ? » Vraiment, là... Ayez un peu d'imagination ! Ça ne se peut pas, poser des questions de même.

Ce sont des personnages qui ont marqué la télé ! Comme ceux du Coeur a ses raisons...

Est-ce que ça va être Le coeur a ses raisons ? La réponse, c'est non ! Voyons ! Qu'est-ce que vous vous imaginez ? C'est un Bye bye, mais on va faire Le coeur a ses raisons ?! Il n'y a rien d'écrit. C'est la première fois que j'accepte quelque chose avant même d'avoir lu quoi que ce soit. Je ne sais pas du tout à quoi ça va ressembler. C'est sûr que j'aimerais qu'on aille vers quelque chose d'absurde. Si on me demande d'imiter Denis Coderre, je vais être plus à l'aise que si on me demande d'imiter Mélanie Joly. Mélanie Joly, je la donnerais à Marc. C'est plus logique pour moi. Tout ça, c'est un stress de toutes les secondes ! On en parle et j'ai mal au coeur... J'ai peut-être volé la place de quelqu'un qui aurait été bien meilleur que moi. On va le savoir le 31 décembre. Je pense que je vais quitter le pays.

Tu iras faire un autre tour en avion !

PHOTO FOURNIE PAR TÉLÉ-QUÉBEC

Marc Labrèche et Anne Dorval dans Les bobos