Marc Brunet écrit en ce moment les nouveaux épisodes de la deuxième saison deLike-moi !, qui sera en ondes à Télé-Québec dès janvier prochain. L'auteur de 53 ans, très associé à Marc Labrèche depuis La fin du monde est à sept heures, est l'homme de l'ombre derrière les succès du Coeur a ses raisons, 3600 secondes d'extase et Les bobos.

Marc Cassivi : Like-moi ! a été un coup de coeur de la dernière saison télé. Notamment parce qu'il y a une telle acuité dans le regard que tu poses sur une génération qui n'est pas la tienne. Souvent, des auteurs plus vieux mettent des mots dans la bouche de personnages plus jeunes et ça ne passe pas. Craignais-tu de ne pas trouver cette justesse ?

Marc Brunet : À la base, si tu ne fais que relever les travers, tu ne tiendras pas une saison, parce que tu vas tomber dans la caricature très rapidement. Pour n'importe quel sujet, n'importe quel thème, tu y vas avec le point commun...

M.C. : Il y a quelque chose d'universel dans Like-moi !.

M.B. : Je pense, oui. C'est quétaine, mais c'est vrai : on a tous en commun la volonté d'être aimés, d'appartenir à un groupe. C'est ça, la base. On se reconnaît tous dans ça, moi aussi. Le reste, les téléphones cellulaires, les réseaux sociaux, ça sert de véhicules comiques mais ce n'est pas important.

M.C. : Tu ne relèves pas seulement les travers, mais tu poses un regard qui n'est pas complaisant et qui me semble coller à une certaine réalité de la génération Y...

M.B. : C'est ma job ! C'est ma job d'auteur. Tu décris des gens que tu n'es pas. C'est aussi simple que ça. Avec plus ou moins de succès, dépendant du sujet que tu choisis. Tu peux écrire sur les Martiens ou sur la vie sentimentale d'un ours polaire.

M.C. : Mais que ce soit un succès auprès de la génération Y dit quelque chose d'une réalité que tu réussis à décrire...

M.B. : C'était à la base une série pour eux, pas pour des gens de ma génération qui les observent. Je les côtoie. Je ne voulais pas porter un jugement sur eux, mais leur parler. Je ne voulais surtout pas que ça fasse « mononcle ». C'est un compliment détourné quand j'entends : « Oh Mon Dieu ! C'est un vieux qui écrit ça ? » Je trouve ça flatteur. Qu'ils ne se rendent pas compte que c'est moi, c'est parfait.

M.C. : Tu écris seul...

M.B. : Je vais sur les réseaux sociaux et le brainstorm est là. Je vois ce qui se passe, ce que les gens se disent, comment ils le disent.

M.C. : Tu t'en inspires, mais toi, tu n'es pas très actif sur les réseaux sociaux ?

M.B. : Je me suis mis sur Facebook par la force des choses. Mais je trouve ça insupportable. Être outré, c'est devenu une job à temps plein. Sans nommer de noms, il y en a qui sont payés pour ne pas en revenir. « Qu'est-ce que tu fais dans la vie ? » « J'en reviens pas. Et je suis payé grassement pour le faire... »

M.C. : J'ai été surpris d'apprendre que tu ne travailleras pas sur la nouvelle émission de Marc Labrèche. C'est la première fois depuis longtemps que vous ne travaillez pas ensemble à la télé.

M.B. : Depuis 18 ans ! Je n'ai pas le temps. Nos horaires étaient incompatibles. Quand on a commencé à faire Les bobos, Marc s'était déjà engagé à faire la tournée desAiguilles et l'opium. Il est parti un bon moment. J'ai travaillé sur autre chose en sachant qu'il n'était pas disponible, mais on a mangé ensemble la semaine dernière !

M.C. : Vous avez des projets de retravailler ensemble ?

M.B. : On se dit, chaque fois qu'on se voit, qu'on le fera quand on aura l'idée.

M.C. : C'est rassurant de connaître un tel succès avec Like-moi !, sans Marc ?

M.B. : C'est certain que c'est rassurant. J'ai un ton assez particulier, que Marc et Anne [Dorval] maîtrisent depuis longtemps. Je me demandais si on arriverait à trouver des interprètes facilement. Mais les auditions ont été très simples. On savait tout de suite qui choisir.

M.C. : Ça fait du bien de découvrir de nouveaux visages. Ça a sans doute joué dans le succès de Like-moi !.

M.B. : Absolument. Et le fait que les gens ne sachent pas que c'est moi, l'auteur. Je n'ai pas eu à m'adapter aux interprètes, ce qui était ma principale crainte. Le texte était pertinent dans leur bouche. Ça marchait.

M.C. : Ils t'ont aidé à rendre ça plus réaliste ?

M.B. : Pas vraiment. Ils ont été très respectueux de mon texte. J'ai retrouvé avec eux l'espèce d'énergie qu'on avait quand on a commencé La fin du monde est à sept heures. Certains sont arrivés de nulle part et ont été pris dans un succès qui gagne en ampleur. Il y a une euphorie là-dedans. Mais il n'y a pas de star, pas de tirage de couverte...

M.C. : Mais bien des talents qui vont émerger, comme ce fut le cas avec La fin du monde. Je pense à toutes les carrières qui ont été lancées par cette émission-là. Quelle pépinière !

M.B. : C'est exceptionnel. En anglais, on appelle ça « the perfect storm ». Sur le coup, tu ne t'en rends pas compte, mais la foudre a frappé. Pour moi, ç'a été La fin du monde est à sept heures, Le coeur a ses raisons et Like-moi !. Les fois où je me suis dit : « Oh My God ! Il s'est passé quelque chose. »

M.C. : De façon générale, tu les perçois comment, les Y ?

M.B. : Le point de départ, comme je te le disais, c'est ce besoin d'être aimé...

M.C. : Xavier Dolan en parlait justement dans son discours à Cannes.

M.B. : Il est le porte-étendard de cette génération-là et il est extraordinaire. Les choses vont vite pour eux, tous les jours, à tous les niveaux. C'est ce qui forme cette génération-là, je trouve. C'est à la fois extrêmement déstabilisant, mais ce qui leur donne aussi une espèce de détachement. Leurs attentes ne sont pas les mêmes.

M.C. : Ils ont des ambitions assumées. Le monde est leur terrain de jeu et ce n'est pas juste un cliché.

M.B. : Le but de réussir est commun et sincère. Les attaches ne sont pas aussi contraignantes que pour les générations précédentes. Ils sont plus libres, mais il n'y a pas que des avantages à ça. Il y a des défauts de génération qui transparaissent aussi. Certains sont des éternels enfants qui sont incapables de se décider : « Est-ce que c'est ce qu'il y a de mieux pour mon bien-être ? » Ça vient d'une volonté d'aller chercher le meilleur en tout.

M.C. : C'est une forme d'hédonisme. On veut tout avoir, tout de suite. La qualité de vie d'abord et avant tout.

M.B. : Il y avait une coordonnatrice sur Les bobos qui avait 22 ou 23 ans. On avait une semaine de relâche et je lui ai demandé ce qu'elle avait prévu faire. Elle m'a répondu : « Ça se peut que j'aille au Viêtnam avec mon chum. » Une semaine ! Honnêtement, j'aurais accepté « Je fais changer mes pneus d'hiver » comme réponse...