«Dors, Marcel», a murmuré la comédienne Monique Miller, à son ami et grand dramaturge québécois, Marcel Dubé, à l'occasion des funérailles de celui-ci, célébrées samedi à l'église Immaculée-Conception de Montréal.

Monique Miller a ainsi conclu son vibrant hommage à l'auteur - paraphrasant la dernière réplique de la pièce Zone - lors de la cérémonie en l'honneur de l'auteur, qui est décédé le 7 avril à l'âge de 86 ans.

Son éloge funèbre a été suivi par des allocutions d'Andrée Lachapelle et de Louise Marleau, les deux autres muses de Marcel Dubé, qui ont toutes deux témoigné de sa générosité «légendaire» à l'égard des acteurs, pour qui il écrivait des rôles lorsqu'ils manquaient de travail. Mme Lachapelle a aussi tenu à parler de la dignité de son ami, qui a longtemps été affligé par la maladie.

«En 1970, lorsque la maladie t'a scié en deux, tu as choisi de te soigner et de te battre jusqu'au bout. Dieu sait que la bataille était longue et pénible (...) Mais je n'ai jamais senti d'amertume, et de jalousie, et de rancoeur face au succès des autres», a-t-elle clamé dans un monologue sans micro, comme au théâtre.

Écrivain prolifique, Marcel Dubé a écrit plus de 300 oeuvres au théâtre et à la télévision, en plus de ses nombreux poèmes, essais et nouvelles. Avec Gratien Gélinas, il aura contribué à changer la scène théâtrale au Québec, qui auparavant présentait principalement des pièces étrangères.

«C'étaient les tout débuts! Il y avait rien, on jouait des textes français, on jouait des textes d'ailleurs, mais il n'y avait pas de textes à nous. Marcel, avec M. Gélinas, ils ont été les deux premiers», s'est exclamée Andrée Lachapelle à sa sortie de l'église, se désolant de l'absence de jeunes auteurs aux funérailles.

Plusieurs personnalités ont assisté à la cérémonie, dont le comédien Gilles Pelletier, le réalisateur Claude Fournier, le chanteur et auteur Biz, ainsi que le chef du Parti québécois, Pierre Karl Péladeau.

«Il fait partie de ces initiateurs de la prise en main de notre culture, de notre propre écriture. Il nous a lui aussi projetés dans notre modernité, celle que nous connaissons aujourd'hui», a souligné M. Péladeau sur le parvis de l'église.

«C'est un dramaturge important du Québec qui a positionné le joual en avant-plan d'un point de vue historique et c'est une partie de notre mémoire qui nous quitte», a renchéri Biz.

Seulement une poignée de jeunes ont assisté à la cérémonie, ce qu'a déploré, lui aussi, l'ancien chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, dont le père, Jean, a joué dans plusieurs pièces de Marcel Dubé.

«Il y a un manque de transmission, actuellement. Ça n'affecte pas toutes les sociétés, ça. Les Molière, les Shakespeare, les Miller et Williams aux États-Unis, ça se joue. Ici, on est trop dans l'instantané. À force d'être dans l'instantané et de ne pas savoir d'où on vient, on a de la difficulté à savoir où on s'en va», a-t-il soutenu en entrevue après les funérailles.

Le gouvernement Couillard brillait par son absence; il n'avait visiblement envoyé aucun représentant aux obsèques, ce qui a beaucoup irrité Andrée Lachapelle. «Je trouve que c'est déplorable. Je n'ai pas de félicitations à leur faire», a-t-elle lancé, rappelant toute la contribution de Marcel Dubé à la société québécoise.

À la fin de la cérémonie, le cercueil du défunt a été transporté vers la sortie de l'église. Marcel Dubé aura ainsi reçu sa dernière ovation.